Le Hobbit : la Bataille des cinq Armées

Ces jours-ci, sir Peter Jackon a livré en avance leur cadeau de Noël aux geeks du monde entier, sous la forme du troisième volet de son adaptation du Hobbit de J.R.R. Tolkien. Vu deux fois, le film est à présent assez net dans ma tête pour que je puisse en livrer à mon tour une chronique...
Résumé :
Rien n'y a fait, Thorïn & Cie n'ont pu éliminer Smaug avant qu'il n'aille à tire d'aile ravager Esgaroth sur le long lac. Le dragon enragé tombe cependant sur un os : Bard, le descendant d'un des archers de Dale, a conservé une des flèches noires qui seules peuvent transpercer le cuir des monstres cracheurs de feu... Smaug une fois tombé, il reste aux Hommes du lac à compter ce qu'il leur reste et à chercher un nouvel abri. Les ruines de Dale, aux portes d'Erebor, seront leur destination, car ils espèrent trouver de l'aide auprès des Nains qui réoccupent leur ancien royaume sous la Montagne. Ils ne savent toutefois pas que Thorïn, qui s'est proclamé Roi, est saisi par le mal du dragon : le tas d'or et de joyaux trop longtemps couvé par Smaug lui ronge la raison. Or, l'Arkenstone manque toujours au fabuleux trésor qu'il vient de reconquérir, et voilà qu'il se met à suspecter chacun et tout le monde de vouloir le voler. Aussi, quand une armée d'Elfes conduite par Thranduil dont Thorïn garde des geôles un souvenir piquant se présente aux portes d'Erebor, voilà qu'il décide de se fortifier pour soutenir un siège en règle... Les Elfes sont-ils pourtant son ennemi le plus menaçant ? Azog le Profanateur, sous les ordres du Nécromancien, a rassemblé une puissante armée d'Orques et Gandalf lui-même est prisonnier à Dol Guldur. Comment convaincre les Elfes, les Nains et les Hommes de s'allier face au véritable danger ? Il se pourrait bien que dans la bataille qui s'annonce, Bilbon joue un rôle inattendu et pourtant décisif...
Il s'agissait sans doute pour Peter Jackson de son dernier voyage en Terre du Milieu : bien que le matériel littéraire nécessaire à d'autres adaptations ne fasse pas défaut, il a été dit et répété que les ayant-droits de Tolkien ne souhaitaient pas laisser le Néo-Zélandais réaliser une adaptation du Silmarillion ou des autres morceaux de bravoure du légendarium. On regrettera peut-être, ou pas du tout, de ne pas assister à une adaptation bien climactérique de la chute du Thangorodrim : il faut bien reconnaître que l'intrigue du Silmarillion, étirée sur des milliers - voire même des dizaines de milliers d'années ! - se prête sans doute peu à l'adaptation cinématographique, laquelle se satisfait bien plus du temps court que du temps long des générations elfiques (ou de la géologie, ce qui revient en fait à peu près au même). On comprendra, du coup, son envie de prolonger son voyage le plus longtemps possible, quitte à délayer le propos d'un roman pour enfants à travers trois films presque aussi longs que ceux qui forment la trilogie du Seigneur des Anneaux - dont la source littéraire, quand à elle, avait bien plus de volume.

Cette envie valait-elle cependant la peine d'étirer les scènes et le temps de ce film jusqu'à l'invraisemblable et même presque jusqu'à l'ennui ? Les explorateurs chevronnés de la Terre du Milieu ricaneront à voir Legolas et Tauriel faire en une journée le voyage entre Esgaroth et le mont Gundabad - un comble quand on sait le soin mis par Tolkien à dessiner des cartes et même à donner parfois des indications de distance ou de temps de route... Les novices pourront trouver plutôt réjouissantes les diverses acrobaties elfiques dont ils seront les témoins - à condition, bien entendu, d'accepter que pareilles démonstrations valent bien leur temps de pellicule, pardon, leur espace disque. Les geeks exulteront peut-être de voir une meute de vers géants tout droit sortis d'Arrakis, à moins qu'il ne s'agisse de vers de Nydus, venir au secours des orques de l'affreux Azog. Mais dans l'ensemble, à la sortie, le sentiment doit être le même : il s'agit peut-être bien du film de trop pour la Terre du Milieu version Jackson - et l'on se demande s'il n'aurait pas dû s'en tenir à deux et non trois pour adapter le Hobbit de Tolkien. Car dans ces trois films, en fin de compte, le seul vrai fil directeur est celui qui conduit à la trilogie qui suit : l'irruption de Legolas dans une intrigue dont il est pourtant absent, tout comme celles de Galadriel et de Saroumane et, cerise sur le gâteau, la mention faite d'Aragorn - qui en 2941 T-A n'a pourtant que dix ans ! - achèvent de faire prendre conscience de ce fait. Le Hobbit de Jackson n'était en fin de compte rien d'autre qu'une préquelle...

Les amateurs pourront à présent rêver aux versions longues de ces trois films, se (re)plonger dans l'oeuvre écrite... et peut-être attendre que Jackson se détourne pour de bon de la Terre du Milieu. Parce que, plutôt que de nous infliger un King Kong dont je n'ai rien à foutre puis de se fourvoyer dans une prélogie comme un autre avant lui l'avait fait, il aurait mieux fait après Le Seigneur des Anneaux de se pencher sur le seul véritable défi à la hauteur du talent dont il a su faire preuve : Dune.

Commentaires

Guillmot a dit…
PJ ne voulait pas faire cette adaptation, mais Del Toro a du abandonner. Il ne s'en cache pas, il n'avait rien de plus à apporter à l'univers. Alors en plus de cela, passer en trilogie un livre aussi court, ça ne pouvait qu'échouer.
Anudar a dit…
Comme dit par ailleurs, ceci explique donc cela !
A.C. de Haenne a dit…
Ennui est bien le mot qui reste après la vision de cette bous... euh, pardon, de ce film. Et les vers des sables, pardon des Manges-terre étaient peut-être le seul intérêt de ce long-métrage. Alors, oui, pourquoi pas Dune ? Mais en une triple trilogie, alors !

A.C.
Guillmot a dit…
Avec le formatage actuel d'Hollywood, toute adaptation est quelque part une mauvaise nouvelle pour l'oeuvre originelle.
Anudar a dit…
@A.C. : pour "Dune", il faudrait sans doute bien six à huit heures de temps fictionnel pour rendre compte de la complexité du premier livre. Si l'on y adjoint "Le Messie", rajoutons sans doute deux heures. L'un dans l'autre, il y a donc bien matière à faire une tri- voire une tétra-logie de durée hollywoodienne. Après, il est clair aussi que le projet de remake est plus qu'au point mort, à savoir repoussé aux calendes grecques...

@Guillaume : ah, ça, Hollywood... Ses goûts et ses couleurs... Et tu as tout à fait raison de parler de formatage. Au bout du compte, les adaptations d'oeuvres pourtant différentes finissent par apparaître interchangeables comme un Odieux Connard le dévoile bien à travers ses spoils.