Alix Senator tome 5 : Le Hurlement de Cybèle

Je n'avais pas suivi la date de sortie du prochain tome de la série Alix Senator si bien qu'une visite chez mon libraire BD préféré m'a offert une surprise agréable...
Résumé : 
Titus et Khephren, les deux fils d'Alix, visitent la côte orientale de la mer Egée : après Ilion, les voici à Pessinonte en Asie mineure, où Khephren cherche à réaliser son propre destin : il croit que la puissance et l'éternité l'attendent au temple de Cybèle, et son rêve ne cesse d'enfler au point de menacer sa raison. Titus, de plus en plus troublé par le fossé qui grandit entre son père et son frère adoptif, l'a suivi dans sa fugue. Le culte de Cybèle, lié au mythe d'Agdistis, représente une véritable manne financière pour les Galles, ses prêtres émasculés : corrompus, ils sont prêts à tout pour maintenir le mystère qui attire des foules de fidèles. A Pessinonte, il se raconte que la pierre noire du temple de Cybèle est disparue depuis l'époque d'Alexandre le Grand, ou bien qu'il ne s'agit que d'une réplique... Obsédé par la statue de la déesse que les Galles dissimulent au plus profond du temple et qu'il croit faite d'orichalque, Khephren est prêt à toutes les ruses, au risque de fâcher les prêtres du culte de la fertilité... Alix arrivera-t-il à temps pour sauver ses fils ?
Le précédent tome de cette aventure m'avait beaucoup plu : au coeur des ruines du monde hellénistique, Alix était confronté à une crise familiale évoquant bel et bien le fait que pour les peuples méditerranéens, la transition vers l'Imperium romain était plus qu'amorcée, promettant de remodeler le monde pour les siècles à venir. Alix, à mes yeux, c'est l'Antiquité telle que l'ai conçue à partir de la classe de Sixième : éclaboussée de soleil pour l'éternité sur les rives de la mer Méditerranée. Plus tard, j'ai découvert que l'inépuisable matrice de la culture grecque, sans vergogne réinterprétée par ses conquérants romains, avait donné lieu à des expressions plus inquiétantes et même - osons le terme - plus sinistres. Le culte de Cybèle, originaire de l'Asie mineure, est un des éléments obscurs de l'immense fonds culturel hellénique : survivance lointaine de très vieux cultes de la fertilité, auquel s'est superposée la mythologie grecque et qui reste encore, peut-être, présent dans notre imaginaire collectif. Frank Herbert lui-même ne fait-il pas invoquer la Grande Mère au très lointain héritier d'Auguste dans le Cycle de Dune ?

Face à l'inquiétant culte de Cybèle, Khephren semble bien désarmé : revêtu de son seul ubris - l'ambition démesurée qui l'incite à vouloir transgresser l'interdit - et trop orgueilleux pour faire confiance à l'expérience de son père, le voici prêt à défier les Galles. Plaçant lui-même son intelligence au niveau de ses testicules, croit-il que les prêtres de Cybèle qui en sont dépourvus seraient de ce fait plus stupides que lui ? Malgré l'amitié de Titus - que je trouve bien brave de s'entêter ainsi à suivre son frère dans toutes ses combines les plus foireuses - et malgré l'assistance tardive d'Alix, le prix à payer pour le jeune homme sera aussi énorme que terrifiant et vain. Les cultes de la fertilité, en Asie mineure comme en Mésoamérique, sont souvent d'une extrême cruauté : les lions de Cybèle sont voraces - et ses prêtres sont retors. De cette confrontation de laquelle les héros de cette histoire ne sortiront pas indemnes, émerge un album plus qu'enthousiasmant : Alix Senator atteint l'âge de la maturité, confirmant les talents au scénario et au dessin, qui n'hésitent ni à maltraiter leurs personnages ni à confronter les amateurs de la ligne claire à une horreur nouvelle. Je suis ébloui : bravo !

Commentaires