Rosewater

Je n'ai jamais rien lu de Tade Thompson. Des avis mitigés venus de la blogosphère m'ont donné à penser qu'il y avait peut-être quelque chose d'intéressant dans son Rosewater paru depuis peu de temps : c'était l'occasion en tout cas de découvrir un nouvel auteur tout en allant au bout d'une intuition...
Résumé : 
Rosewater est une agglomération nigériane qui s'est constituée comme un chancre autour du Dôme extraterrestre poussé comme un champignon au milieu du XXIème siècle. Chaque année, le Dôme s'entrouvre et ceux qui parviennent à s'exposer à ses rayonnements voient leurs maux guéris... ou bien s'en tirent avec d'ignobles malformations... quand ce ne sont pas les morts qui se relèvent sans plus de conscience mais parfois très agressifs à l'égard des vivants ! Kaaro est un ancien voleur, dont le talent de "perceptif" provient d'une symbiose avec les filaments mycéliens extraterrestres que l'on trouve partout désormais : il sait où les gens dissimulent leurs trésors... et il sait aussi parfois où creuser pour trouver un cadavre. Le S45 l'emploie depuis plusieurs années afin de comprendre les réelles intentions des extraterrestres du Dôme, que nul n'a jamais vus. En l'an 2066, au moment où Rosewater connaît sa nouvelle ouverture de Dôme, le S45 fait à nouveau appel à Kaaro alors même qu'il semble sur le point de renoncer à ses vieilles habitudes de célibataire. Pourquoi sa supérieure lui conseille-t-elle avec fermeté de rompre avec Aminat qu'il vient à peine de rencontrer ? Pourquoi ses confrères et consœurs perceptifs disparaissent-ils les uns après les autres ?
La SF n'est la propriété d'aucun imaginaire : si les auteurs anglo-saxons de l'Âge d'Or possèdent une aura toute particulière, ils la doivent plus aux circonstances d'un XXème siècle troublé qu'à la valeur intrinsèque de leurs œuvres - et la SF soviétique, par exemple, possède un charme particulier qui mérite bel et bien que l'on aille jeter un œil au-delà de l'œuvre d'Ivan Efremov. L'époque actuelle est propice à la diffusion d’œuvres de SF venues d'ailleurs et c'est une bonne chose : Tade Thompson est britannique, il est né à Londres de parents yorubas et a grandi au Nigeria. Rosewater est donc un morceau de SF africaine ce qui, en soi, justifie que l'on s'y intéresse quand on n'y connaît rien comme c'est mon cas. On saluera donc la bonne volonté de l'éditeur d'avoir mis ce livre en avant : ce n'est pas tous les jours que l'on peut découvrir de la SF tout droit venue d'un autre continent !

L'Afrique future de Rosewater présente quelque parenté avec celle de l'imaginaire européen post-colonial. Bidonvilles, chiens émaciés, corruption, extrême richesse et haute technologie qui côtoient en bonne intelligence la pire des misères et les croyances de l'ancien temps... et la violence endémique, surtout : ces gens vivent autour d'une véritable fontaine de jouvence - à moins qu'il ne s'agisse d'une source d'élixir de vie - mais cela ne leur interdit pas de pratiquer mensonge, crime et meurtre. L'Histoire de l'Afrique a été meurtrie par l'esclavage, puis la colonisation et enfin le reflux bien peu désorganisé des anciennes puissances colonisatrices : la présence du Dôme autour duquel Rosewater a grandi n'est jamais qu'une étape de plus dans cette sinistre chronologie, les extraterrestres n'étant au fond que des colonisateurs d'un autre genre. C'est ainsi que le Nigeria de cette seconde moitié du XXIème siècle, même s'il vit dans un monde duquel les Etats-Unis se sont retranchés pour des raisons inconnues, ne se porte pas bien. L'auteur porte un regard cynique sur ce pays qu'il décrit, où après l'arnaque nigériane les escrocs ont trouvé de nouvelles façons d'extorquer des richesses à leurs victimes en exploitant les talents des perceptifs ! Les époques troubles sont propices aux trafics et c'est ainsi que Tade Thompson nous le signale avec discrétion dès le début de Rosewater, le monde où vit Kaaro est menacé d'une invasion extraterrestre - à moins qu'il n'y ait déjà succombé...

Les arguments de Rosewater ne manquent pas d'être intéressants et l'auteur sait comment, au fil des aller-retours entre le présent et le passé de Kaaro, éveiller la curiosité de son lecteur. Pour quelles raisons Kaaro, que son talent et son intelligence auraient pu élever au rang de parrain du crime, s'est-il retrouvé à jouer les chiens de garde d'une officine des services secrets nigérians ? D'où provient cette sensation de malaise qui grandit toutes les fois que Kaaro utilise les ressources de la xénosphère à laquelle il est connecté par l'intermédiaire de ses symbiotes mycéliens ? Le soufflé se dégonfle pourtant à partir de la moitié de l'ouvrage : l'intrigue traîne des pieds puis patine alors que l'auteur s'ingénie à construire le malaise et à insister sur le caractère au fond minable de son personnage principal ; dans le même temps, les complots qui déchirent le S45 perdent toute lisibilité ; la flèche du temps interne à l'oeuvre devient elle-même difficile à suivre malgré la présence de nombreux jalons chronologiques. L'ensemble converge sur une conclusion pas conclusive et surtout en forme de fouillis absolu si bien que la dernière page tournée, on se surprend à se demander au juste ce que l'on a lu...

La déception est à la hauteur des espoirs soulevés par l'écriture fluide et expressive dont Tade Thompson fait preuve tout au long de Rosewater : quel gâchis !

Ne manquez pas les avis de : Cédric, Gromovar, Lorhkan, Yogo...

Commentaires

Lune a dit…
Belle chronique, mitigé comme tout le monde alors !
TmbM a dit…
Voilà qui confirme mon sentiment de départ. Je fais définitivement l'impasse sur celui-ci…
Anudar a dit…
@Lune : mitigé, voire au-delà... je ne le recommande pas, ce livre.

@TmBM : je pense que tu peux en effet t'abstenir.