Une faute de goût

Quelques mois après l'événement, il est temps de se pencher sur l'Anthologie officielle des Utopiales 2019 - dont le premier texte est signé par Christian Léourier, l'auteur du Cycle de Lanmeur.
Résumé : 
Alors que l'espèce humaine fait ses premiers pas dans l'espace interstellaire, il devient primordial d'établir des relations diplomatiques fructueuses avec les puissances voisines, le moindre faux-pas pouvant conduire à la fermeture du réseau de portes que celles-ci contrôlent et donc à de fâcheuses restrictions au voyage spatial. Mlle Hong est une jeune diplomate à peine sortie de l'Ecole, à laquelle échoit - au grand déplaisir du Plénipotentiaire en titre - la mission délicate qui consiste à gagner la sympathie des Wagaï, une civilisation plus avancée dont le réseau intéresse de très près la Terre. Saura-t-elle trouver un langage commun avec l'ambassadeur des Wagaï ? Et surtout... saura-t-elle l'employer à bon escient ?
La diplomatie est un art délicat : il s'agit de ménager les susceptibilités de son interlocuteur sans oublier les intérêts primordiaux de la partie que l'on représente soi-même. A ce jeu d'équilibriste, les diplomates se révèlent souvent habiles, et cela vaut mieux car l'échec de la diplomate implique le plus souvent la guerre - ou en tout cas, le maintien d'un statu quo que les deux parties jugeaient insatisfaisant. La jeune diplomate d'Une faute de goût est confrontée à un problème original : en face d'elle se trouve une partie en position de force - l'espèce humaine a plus à gagner qu'à offrir dans la transaction qu'elle doit faciliter - qui a fait le choix d'une négociation difficile à conduire. En effet, les Wagaï négocient par l'intermédiaire de molécules chimiques alimentaires dont le subtil équilibre fait sens, une réalité qui surprend au premier abord la diplomate solarienne... mais à laquelle toutefois elle parvient à se conformer.

Le premier écueil de la diplomatie consiste à ne pas comprendre la forme du langage de l'autre. Plus périlleux - et plus traître aussi sans doute - est le second, celui qui consiste à comprendre le langage de l'autre mais à se méprendre malgré tout sur sa pensée. Cuauhtémoc, le dernier tlatoani aztèque, avait réclamé d'être exécuté après sa reddition mais il fut en fait gracié par Cortès : le premier réclamait d'être traité selon son propre code d'honneur alors que le second préférait le traiter selon le sien propre. Est-il plus cruelle sentence, pour un diplomate, que celle de sombrer dans ce piège de la diplomatie après avoir su éviter le premier ? La faute de goût éponyme repose en effet sur une erreur analogue : connaître le langage de son interlocuteur ne signifie pas connaître son interlocuteur. Et parfois, les meilleures intentions se révèlent contre-productives.

C'est donc un texte somme toute brillant que Léourier nous livre ici : dans l'espace, les regrets et les occasions manquées sont en nombre infini...

Commentaires

Vert a dit…
Très joli texte, j'ai beaucoup aimé aussi ^^
Anudar a dit…
La gastronomie comme instrument diplomatique, il fallait y penser...