Alix Senator tome 11 : L'Esclave de Khorsabad


Il me semble que ce nouveau tome d'
Alix Senator est arrivé en librairie assez vite après le précédent : faut-il y voir quelque effet secondaire du confinement ?
Résumé : 
Alix est à Ninive, au cœur de l'empire parthe où il compte bien des ennemis - en tant que romain et en tant qu'ancien esclave à Khorsabad... et voilà qu'il est enlevé par un potentat oriental qui, haïssant Rome et l'influence qu'elle entretient sur le roi Phraatès IV, a décidé de mener un complot convoluté. Alix est en effet l'un des derniers sur Terre à connaître le secret du fabuleux trésor de Sargon que l'on dit toujours caché à Khorsabad. Les hommes du seigneur Barzapharnès ne reculeront devant aucune ignominie pour le faire avouer... surtout lorsqu'ils réalisent que l'un de ses compagnons d'infortune éveille chez lui de très anciens souvenirs. Afin de sauver Rome et peut-être aussi sa vie, Alix n'a pas le choix : il devra se réfugier à Khorsabad... en espérant parvenir à tourner les maléfices de la ville en ruine contre ses ennemis du moment...
Revisitant toujours et encore les lieux de ses premières aventures, Alix revient à Khorsabad où Jacques Martin avait pour la première fois donné vie à son personnage le plus connu. Le jeune gaulois n'était alors qu'un esclave et son existence ne tenait qu'à un fil entre le pouvoir écrasant des chefs de guerre et la dureté de la vie en milieu hostile : rien ne lui permettait alors d'imaginer quel serait son destin - celui d'une vie passée à traîner ses sandales d'un bout à l'autre de l'Ancien Monde puis à devenir l'un des hommes forts de l'un des plus puissants Etats de l'Antiquité. Comme toujours dans la série Alix Senator, l'intrépide est devenu âgé mais son amertume et sa fatigue ne l'empêchent pas de prendre le parti des innocents et des faibles. Deux personnage concentrent ici son appétit de protection : une prêtresse égyptienne du nom de Tefnout égarée en Assyrie, et surtout un certain Monasès dont les traits - bien que marqués d'un vitiligo - évoquent dans la mémoire du lecteur (et donc sans nul doute aussi dans celle d'Alix) le visage du fidèle Enak. L'épisode et la rencontre, à la faveur d'une menace vitale, sont l'occasion pour Alix de se laisser aller à une certaine nostalgie pour son passé perdu - les auteurs allant jusqu'à suggérer que, peut-être, le vieux sénateur a pu même partager quelque moment de plaisir volé au temps avec le jeune Monasès.

La fatigue d'Alix est ici perceptible : cette fuite à Khorsabad est assez rocambolesque pour être au moins en partie manigancée, si bien que le chef de la troupe mercenaire qui l'a enlevé à Ninive n'est peut-être pas celui que l'on croit. Dans le duel de volontés qui s'annonce, Alix va se dévoiler un peu trop et se rendre plus vulnérable qu'on aurait pu le croire. Alix, étant jeune, se montait souvent méfiant : il est surprenant que son âge - qui témoigne de ses capacités de survie exceptionnelles en une époque troublée - n'ait pas augmenté ce penchant jusqu'à le rendre paranoïaque. Sinistre, L'Esclave de Khorsabad finit donc par le devenir : d'abord parce que l'on sent Alix en danger comme il ne l'a pas été souvent depuis le début de son existence... et ensuite parce que l'ennemi est aussi cruel que retors. Dans ces paysages enneigés, au milieu des ruines maudites, les vivants se dissimulent derrière les morts de plus d'une façon... et les morts dominent les vivants. Formant donc un cycle amer et magnifique avec La Forêt carnivore, cet album appelle à un renouvellement de la série toute entière : le titre de son successeur, Le Disque d'Osiris, laisse à penser que l'on pourrait en revenir aux thèmes du réalisme fantastique déjà explorés dans de précédents volumes. Le lecteur gardera toutefois dans sa tête un album très réussi, tragique et beau comme Les Aventures d'Alix peuvent l'être parfois : bravo !

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