Dune (mini-série)
En 2001, j'ai eu la surprise - alors que Dune faisait déjà partie de ma vie depuis quelques années - de découvrir l'existence d'une adaptation télévisuelle et sérielle de l'oeuvre de Frank Herbert. Le film de David Lynch, que j'avais vu quelques années plus tôt à la télévision, n'avait pas satisfait ma soif d'Epice... et je m'étais senti très enthousiaste à la perspective de pouvoir découvrir une adaptation nouvelle de mon roman de prédilection. Quelques années plus tard, alors que je la redécouvre en compagnie d'un membre de ma famille que je souhaite initier à Dune, il est temps de partager mes regards sur cette série mal connue...
Résumé :
Paul est le fils de Leto Atréides, un Duc à qui l'Empire vient de remettre le fief d'Arrakis : une planète sableuse et poussiéreuse à souhait mais sur laquelle on peut trouver la substance la plus précieuse de l'Univers, à savoir l'Epice de longue vie. Arrakis, aussi connue sous le nom de Dune, a été gouvernée pendant de longues années par la redoutable Maison rivale des Harkonnen : Leto comme Paul s'en doutent, ceux-ci ne renonceront jamais à la richesse presque infinie que confère l'Epice... Mais si pour le Duc l'enjeu de la lutte contre les Harkonnen semble être celui de sa survie politique, pour Paul il se double de l'irruption d'étranges personnages qui s'intéressent à ses aptitudes et à ses rêves. Le petit peuple d'Arrakis croit reconnaître en lui le Mahdi : existe-t-il un lien entre les prophéties et son destin ? Acculé à la fuite en la seule compagnie de sa mère Jessica, saura-t-il en jouer sur la foi des indigènes de Dune pour assurer l'avenir de sa Maison si menacée ?
Sur le forum de Dune à Rakis - la ressource dunienne francophone de référence - l'intérêt de cette mini-série a été très discuté en son temps, comme en témoigne l'existence de ce sujet intitulé : "La mini-série, huumm....". Seize ans après le film de David Lynch, autant au moins avant le film de Denis Villeneuve, l'appétit du fandom pour une adaptation était - déjà ! - vorace et en même temps réservé à l'égard d'un plat qui fut perçu d'emblée comme surprenant... Au-delà des effets spéciaux déjà kitsch voire cheap au début du XXIème siècle, au-delà des costumes kitsch (eux aussi) car très baroques, c'étaient les écarts inattendus au texte de Frank Herbert qui perturbaient le plus les amateurs de Dune. Eh oui : les effets spéciaux - par leur caractère souvent basique - portaient la marque d'un usage immodéré du fond vert et des images de synthèse à une époque où la volonté seule ne pouvait pas suppléer à l'insuffisance de la puissance de calcul ; les costumes délirants pouvaient se justifier par la licence artistique ; mais les tripatouillages scénaristiques faisant par exemple se rencontrer Paul et la princesse Irulan presque dès le début de l'intrigue - ou faisant par exemple encore mourir Thufir Hawat au terme de la première partie de la série - étaient quant à eux beaucoup moins excusables. Nous étions à l'époque nombreux à nous être faits la réflexion paradoxale selon laquelle le film de Lynch, malgré ses faiblesses, et malgré aussi l'irruption incompréhensible des iconiques "modules étranges", était en fin de compte plus fidèle à l'oeuvre de Frank Herbert que cette mini-série...
Et pourtant, celle-ci - malgré tous ses défauts - présente bel et bien de l'intérêt. Je rappellerai tout d'abord que les adaptations de Dune - films, séries, jeux vidéo - sont rares. Beaucoup de gens fantasment à mon avis à tort sur le projet d'adaptation manqué de Dune par Jodorowsky : ce film a sans nul doute dans l'esprit de ses fans toutes les qualités imaginables mais il a un défaut rédhibitoire, celui de ne pas exister ; à l'inverse, la mini-série a sans nul doute dans l'esprit de ses détracteurs tous les défauts imaginables mais elle a un mérite, qui est celui d'exister. Cela signifie que les gens qui l'ont faite ont pu porter jusqu'aux spectateurs une vision de Dune, certes critiquable, mais de nature néanmoins à éveiller le débat sur la nature de l'oeuvre herbertienne. Et il faut bien avoir conscience qu'en dehors du film de David Lynch, elle est le seul objet filmique - à l'heure actuelle - à même de satisfaire quelque peu l'appétit des duniens... Certes, les effets spéciaux et le jeu des acteurs semblent y confiner parfois au théâtre de Guignol - et pourtant, même dans cette naïveté plus touchante que maladroite, on trouve des intentions plus qu'intéressantes. Les jeux de lumière qui semblent au premier abord incompréhensibles et inutiles finissent - comme c'est souvent le cas dans une narration herbertienne - par prendre un sens que j'ose dire éclairant : le bleu clair et pur qui nimbe Paul dans ses premières scènes comme dans la dernière explicite à quel point son avenir est contenu dans sa première rencontre avec la Révérende Mère ; le rouge Harkonnen et le tic du Baron qui s'immiscent par moments dans la gestuelle de Paul révèlent autre chose encore ; le vert de la prophétie qui se manifeste lors de certains instants-clé - quand Jessica observe un signal nocturne en Arrakeen, lorsque Paul participe à l'orgie tau ou quand il a sa transe dans le désert - montre quand le destin est à l'oeuvre. Les mouvements des acteurs eux-mêmes, qui donnent par moments l'impression d'être chorégraphiés, renforcent cette impression de voir en réalité une pièce de théâtre montée en graine. En fin de compte, ces jeux de lumière et ces mouvements si maîtrisés laissent à penser que les auteurs de cette mini-série ont voulu en faire un outil pour représenter la dimension tragique de Dune telle qu'elle pourrait le mériter : sous la forme d'une pièce de théâtre.
L'ambition était belle. Et cela aussi est, à mon sens, une raison de donner sa chance à cette oeuvre méconnue...
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