Huit siècles sur une échelle de temps

Dans l'Anthologie des Utopiales 2017, le troisième texte est signé d'Olivier Gechter, un auteur qui partageait avec moi (et d'autres) le sommaire de l'anthologie Dimension Avenirs radieux. Comment allait se passer cette deuxième rencontre ?
Résumé : 
Boris est l'un des derniers êtres humains de l'Univers. Une glaciation presque totale a changé la Terre en boule de neige, et seuls quelques individus vivent encore dans une base lunaire où, au fil des rotations de maintenance où ils ne se rencontrent jamais, s'égrènent les siècles jusqu'au jour où la planète sera de nouveau habitable. Au trente-troisième tour de veille, Boris découvre que l'un de ses collègues est absent de son caisson d'hibernation : l'IA de la base semble quelque peu évasive dans les réponses qu'elle lui fournit, ce qui lui met la puce à l'oreille... Y aurait-il un secret sur la Lune ? Et quelles en seraient les conséquences pour l'humanité appelée à renaître ?
Voici une petite nouvelle qui se lit sans aucune difficulté : on est ici dans le sense of wonder qui pourrait donner l'impression d'être tout droit venu de l'âge d'or, à tel point que j'y ai trouvé des réminiscences de La grande dérive de Ben Bova que je devrais chroniquer dans quelques temps. Au vaisseau générationnel se substitue toutefois une base fixe où le personnel, en attendant le dégel de la Terre, est astreint à des tours de veille en solitaire. La communication décalée reste possible entre les différents membres de cet étonnant équipage - et pour diverses raisons elle se fait à l'écrit, à l'aide d'un moyen primitif qui n'est autre que celui de notes manuscrites. L'IA se révèle en effet, dans ce texte, un compagnon peu fiable pour le protagoniste humain : il est difficile de ne pas voir dans son attitude comme une citation de celle du fameux HAL-9000 de 2001, où l'ordinateur décide que pour accomplir sa mission tout en respectant les consignes incompatibles qui lui ont été données le plus simple est encore d'éliminer une partie de l'équipage.

Les communications entre individus humains sont conditionnées par les tours de veille qui s'enchaînent à raison d'un par siècle : chacun vieillit donc d'un mois par tranche de cent ans, ce qui devrait permettre à la petite communauté de subsister au fil des temps géologiques jusqu'à ce que des jours meilleurs se lèvent sur la Terre gelée. De plus d'une façon, Boris et ses collègues sont donc bel et bien confrontés à l'énigme insondable du temps : des civilisations humaines antérieures à la glaciation, il ne reste plus rien, et l'émergence d'une nouvelle humanité reste impossible avant un futur lointain. A la fois des fossiles d'une époque révolue et des graines stockées dans un substrat stérile, ces derniers êtres humains s'absorbent au quotidien dans leurs tâches de surveillance en attendant leur heure. Le temps n'est donc pas qu'une énigme ou une contrainte pour la narration dans cette nouvelle : c'est presque un personnage à part entière, dont la présence impressionne l'être humain comme l'IA et les pousse au bord de la folie.

La conclusion de ce texte se révèle très positive, ce que j'apprécie : de toute évidence, Olivier Gechter a retenu que la glaciation du Cryogénien est suivie par l'Ediacarien et sa fascinante radiation. Le message est pour moi clair : quoi qu'il arrive, le destin de l'humanité se trouvera toujours devant elle...

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