Blake et Mortimer tome 25 : La vallée des immortels 1/2

Cela faisait longtemps que je n'avais pas chroniqué ici de Blake et Mortimer : celui-ci s'inscrit dans la continuation de l'oeuvre d'Edgar P. Jacobs et porte les signatures d'Yves Sente, Teun Berserik et Peter van Dongen.
Résumé : 
En pleine guerre civile chinoise, le conservateur du Musée du Palais Impérial prend en charge l'évacuation des trésors nationaux vers Taiwan, espérant les soustraire aux communistes dont l'avancée devient irrésistible... mais l'un des cargos, trop chargé, s'échoue en pleine tempête sur une île pas tout à fait déserte. Quelques mois plus tard, alors même que la guerre contre l'empire de Basam-Damdu est en train de prendre fin, voilà que des pièces archéologiques inestimables commencent à circuler sur le marché de l'art. Dans le chaos qui suit la Troisième Guerre Mondiale, certains acheteurs ne semblent pas être de simples amateurs d'art : le général Xi Li - l'un des seigneurs de la guerre chinois - qui prétend être nul autre que l'héritier de Qin Shi Huangdi et pense pouvoir confirmer ses dires avec certains des documents éparpillés, envisage rien de moins que la restauration impériale ! Par miracle échappé des ruines de Lhassa, Olrik se voit recruté bon gré mal gré par ce personnage et embrigadé dans sa croisade... A Londres, Blake et Mortimer découvrent l'ampleur du travail qui reste à faire : gagner la guerre n'a pas suffi et, au-delà de la nécessaire tâche de reconstruction, il faut à présent gagner la paix... ce qui veut dire protéger les colonies britanniques et veiller aux intérêts de Sa Majesté jusqu'aux confins de son empire. Alors que la situation chinoise pourrait se résoudre d'une façon peu désirée par le gouvernement britannique, il semble que les agents de Xi Li soient déjà présents à Londres... Sera-t-il possible de protéger Hong Kong des appétits chinois, que ce soient ceux de Mao Zedong ou ceux de Xi Li ? Et quel rôle Mortimer va-t-il trouver à jouer dans cette intrigue à l'autre bout du monde ?
La place d'un Blake et Mortimer dans la double continuité historique - celle de la série, qui inclut la Troisième Guerre Mondiale déclenchée par Basam-Damdu, et la nôtre qui l'ignore tout à fait - est toujours délicate à déterminer. C'est le premier écueil qui, à l'image de la tempête évoquée dans les premières pages, menace de ravager l'aventure avant même qu'elle ne soit commencée : l'intrigue chinoise évoquée un peu plus haut cherche à coller à l'Histoire telle qu'on la connaît en introduisant la guerre civile que les communistes conduits par Mao Zedong sont en train de gagner. Or, le lecteur le sait, au même moment est en train de se jouer le bombardement atomique de Lhassa et la fin de l'empire de Basam-Damdu. Il est donc bien difficile, dès le départ, de croire à la coexistence de ces deux réalités - une guerre civile chinoise presque identique à celle que notre Histoire a produite et l'effondrement d'une puissance ayant pour un temps imposé sa loi au monde entier - si bien que la suspension d'incrédulité ne se réalise pas tout à fait. Le lecteur hausse donc les épaules en voyant comment Olrik s'échappe - il semble qu'une vieille porte en bois laqué serait une protection efficace contre une explosion nucléaire puisque le scélérat s'en sort ainsi sans une égratignure... Il est vrai que la Némésis de Blake et Mortimer a déjà eu l'occasion par le passé de se tirer de situations aussi peu enviables que celle-ci !

Après ces difficultés, l'album se partage entre un segment londonien - nouvelle occasion pour les auteurs de proclamer leur attachement à l'oeuvre de Jacobs - et une conclusion hong-kongaise - dont l'inspiration graphique semble venir du Lotus Bleu d'Hergé. Le professeur Mortimer joue ici le premier rôle, ce qui pointe l'importance de l'énigme scientifique dans le développement de l'intrigue. Toutefois, dans l'exposition du contexte - bancal comme on le pointait plus haut - l'objet d'intérêt scientifique semble encore très mal défini. S'agit-il de ces reliques antiques où l'un des protagonistes croit pouvoir trouver une validation de son projet politique ? S'agit-il de cette nouvelle arme - défensive celle-ci - sur laquelle planche le professeur Mortimer ? Dans son exploration de ces années 40 finissantes, alors que l'ancien monde et la puissance coloniale de la Grande Bretagne s'apprêtent à tirer leur révérence, le scénario se révèle plus faible que dans de précédents albums de la série qui, eux, s'intéressaient à la décennie suivante, commettant même l'erreur de répéter un cliffhanger déjà vu maintes fois dans la série. Malgré sa perfection graphique - je pense que Jacobs n'en aurait renié aucune des cases - cet album ne convainc pas et parvient même à décevoir par moments. Il reste bien sûr aux auteurs un album pour donner à leur histoire la conclusion qu'elle mérite - mais je ne sais pas s'ils pourront justifier l'ensemble de leur démarche dans le temps qu'il leur reste...

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