Darkest Minds : Rébellion

Voici une publication retardée, celle de la chronique d'un des blockbusters de l'été - en l'occurrence la dystopie Darkest Minds : Rébellion.
Résumé : 
Ruby vient d'avoir dix ans. Elle vit dans une époque incertaine où une maladie nouvelle frappe les enfants et les adolescents : neuf sur dix en meurent... et les survivants, changés à tout jamais, sont parqués dans des camps où ils sont livrés au travail forcé... quand ce n'est pas à l'élimination physique pure et simple. Ruby découvre ainsi un beau matin que ses parents ont oublié son existence, puis se voit emmenée par des hommes armés loin de chez elle : évaluée dans un camp, elle apprend qu'elle est une "orange" - soit donc un spécimen dangereux, à éliminer - mais parvient à se faire passer pour une "verte" à l'intelligence supérieure. Quelques années plus tard, alors que l'un des militaires en charge du camp se met à soupçonner qu'elle n'est pas ce qu'il paraît, voici qu'une femme appartenant à une organisation secrète, la Ligue des Enfants, lui permet de s'évader. Bientôt, Ruby fait la rencontre de Zu, une "or" capable de manipuler l'électricité, de Liam ("bleu" aux pouvoirs de télékinésie) et de Chubs ("vert"). Ensemble, ils vont chercher la base de l'Insaisissable, un adolescent qui d'après la rumeur veut construire une société idéale... Quels sont les vrais pouvoirs de Ruby ? Parviendront-ils à échapper aux ennemis qui sont à leurs trousses ?
Une maladie induisant une transition vers la post-humanité. Une société devenue folle qui se met à faire disparaître ses propres enfants - soit par éloignement, soit par élimination. Un univers de péril où les jeunes personnages doivent apprendre à trier le vrai du faux parmi les rumeurs, leurs connaissances imparfaites et les manipulations caractérisées. De ces trois pré-requis, c'est le premier qui est de toute évidence le plus intéressant : il est rare d'entendre parler de post-humanisme dans une oeuvre aussi bien typée jeune public. Dans l'univers de Darkest Minds - au vu de la conclusion de ce film, il s'agit du premier d'une série - l'espèce humaine actuelle est périmée pour ne pas dire condamnée à brève échéance : il n'y a plus d'enfants (au sens propre de l'expression, car ceux-ci représentent un danger atroce) et de ce fait les structures sociales s'effondrent, puisque toute société qui ne se renouvelle pas est une société vouée à disparaître, comme en témoigne cette belle ellipse où les personnages en fuite longent un parking de bus scolaires jaunes abandonnés... En opposition à la folie politique du gouvernement, s'élève le contre-pouvoir de la Ligue des Enfants qui cherche à rétablir le lien de confiance au sein de l'espèce humaine, en admettant la différence des survivants et en leur apprenant à utiliser leurs pouvoirs : c'est de toute évidence l'un des noyaux de la société à venir, fondé sur la coopération entre les êtres humains à l'ancienne et les représentants de cette nouvelle humanité que forment les survivants, un autre germe étant celui de cette société sans adultes et utopique dont rêvent les idéalistes Liam, Chubs et Zu. Il y avait donc là-dedans une très bonne idée, qui était par ailleurs amenée avec soin et développée selon une structure des plus intéressantes.

Mais.

La mode actuelle est aux dystopies. De Hunger Games en Labyrinthe en passant par Divergente, le cinéma contemporain abreuve le jeune public de ces films aux héros interchangeables qui se débattent dans des systèmes cruels et piégés alors que tout ce qu'ils veulent, c'est vivre une vie normale. Et c'est fatal, au fur et à mesure que les productions s'accumulent, on finit par se montrer plus observateur et plus critique - et moins bon public, surtout. Je n'aime pas les dystopies. J'ai eu l'occasion de dire maintes fois à quel point je pense que la surexploitation contemporaine de ce genre fait du mal à la science-fiction, parce que cette surexploitation masque toute la richesse de la SF et brouille surtout le rôle qu'elle doit jouer en tant qu'agent de progrès - parce que dénoncer ne suffit pas et que tôt ou tard il faut proposer. Une dystopie, cela peut être intéressant - à condition que la dénonciation soit assortie d'une proposition voire même, soyons fous, d'une évasion - et c'était cet objectif que visait sans tout à fait y parvenir, sur le front littéraire, la série Partials de Dan Wells. Il y avait donc de l'espoir pour Darkest Minds : Rébellion dont l'une des idées principales était si neuve qu'elle promettait d'éclairer toute la construction. Il est donc d'autant plus décevant de voir à quel point ce film parvient à se vautrer dans la fange dystopire la mieux caractérisée... avec une belle complaisance, qui mieux est ! D'incohérences de narration - de celles que souligne avec délectation un Odieux Connard de ma connaissance - en concepts mal exploités - la thématique post-humaniste est très vite mise de côté au bénéfice des relations entre les personnages et en particulier d'un pseudo-triangle amoureux - Darkest Minds : Rébellion se révèle très bientôt n'être qu'une bête resucée des œuvres sus-citées. Le contempteur des dystopies (ce que je suis) s'en réjouira - cela témoigne de l'épuisement imminent du genre et rien ne saurait me faire plus plaisir ! - mais l'amateur de post-humanisme s'en attristera : il y avait beaucoup mieux à faire avec ce film qui osait aborder une problématique difficile tout en s'adressant au jeune public. Beaucoup de promesses, très peu qui soient tenues : quel gâchis !

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