Je rêvais d'étoiles

C'est le plus souvent dans le format long (voire très long) que s'illustre Peter F. Hamilton : il est bien plus rare de le retrouver dans des textes courts. Celui-ci, qui remonte à 1994, était qui mieux est recommandé par l'ami Lorhkan : je saisis donc ici l'occasion de le remercier pour avoir porté cette lecture à mon intérêt !
Résumé : 
La Terre est de moins en moins peuplée : depuis l'invention du voyage interstellaire, l'excédent de population est envoyé vers les nouveaux mondes alors que ceux qui ont le privilège de rester sur la planète des origines ont le devoir d'en rétablir l'écosystème. Or, avec la reconstitution des forêts, reviennent les créatures du folklore - et à nouveau, les êtres humains vont devoir côtoyer les elfes et les fées...
Il n'est pas fréquent de pouvoir utiliser à la fois les étiquettes SF et Fantasy sur un blog : Peter F. Hamilton me l'impose ici, en associant à l'expérience de vie d'un groupe d'adolescents du Devon - dans le Sud-Ouest de l'Angleterre - à la fois les espaces infinis de l'Univers et l'éternité de la culture elfique. Deux rêves et autant d'aspirations viennent se faire concurrence dans les esprits des "Furies noires" : les chemins de l'espace et les splendeurs des autres mondes - et les beautés mythiques des légendes, qui reviennent à la faveur de la guérison de la Terre. Ce n'est sans doute pas un hasard si Peter F. Hamilton choisit le Devon comme théâtre pour sa tragédie adolescente : cette terre de phénomènes inexpliqués donne volontiers l'impression de n'être pas tout à fait domestiquée... Et ce qui se joue dans le futur pas trop éloigné de Je rêvais d'étoiles tient ni plus ni moins de la rupture finale entre l'imaginaire des hommes de la Terre et celui des hommes de l'espace qu'ils sont en train de devenir.

A l'adolescence, l'individu fait des choix qui influencent toute sa vie par la suite. Le narrateur de cette nouvelle, entraîné dans une vendetta pour laquelle il a peut-être bien quelque sympathie honteuse, a déjà fait le sien comme l'annonce le titre de la nouvelle : ces étoiles dont il rêve impliquent une renonciation à la Terre et à ses légendes. La rencontre, l'amitié puis la rivalité avec les elfes ne constituent jamais qu'une ultime expérience de vie sur Terre - une ultime saveur des anciens rêves de l'humanité avant d'aller goûter aux nouveaux qui lui sont promis par la grâce de son labeur scolaire. Comme souvent, les moments décisifs de l'adolescence auront un goût doux-amer : celui des plaisirs désormais inaccessibles et que l'on ne peut que regretter lorsqu'ils reviennent à la mémoire. De l'infinité ou de l'éternité, le narrateur a déjà choisi laquelle fera sa vie : se rendre compte que d'autres peuvent ne pas vouloir la même chose va soulever des questions, desquelles sortira sans doute une forme de maturité... C'est ainsi qu'à la rupture de l'imaginaire évoquée plus haut répond une rupture du développement de l'individu. Après tout, l'âge adulte n'est-il pas celui où l'on regarde les rêves de l'enfant et de l'adolescent avec une rationalité nouvelle ?

De ce texte court et à l'argument surprenant, Peter F. Hamilton parvient donc à susciter une quantité incroyable d'idées passionnantes : bravo !

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