La Belgariade - Intégrale volume 2

Il y a deux mois et demi je parlais du premier volume d'intégrale de La Belgariade, cycle de fantasy de David Eddings. J'en concluais que ce cycle, malgré ses fortes similitudes avec le Legendarium de Tolkien, parvenait à trouver son intérêt propre et à captiver son lecteur - même si mon appréciation personnelle de ce texte, et la trace rémanente qu'il devait laisser dans mon esprit, auraient été meilleures si je l'avais lu à l'adolescence. Le cycle se conclut dans ce deuxième volume d'intégrale, que j'ai lu à nouveau par étapes mais cette fois-ci entrecoupées par la reprise du travail dans un contexte encore un peu particulier...
Résumé : 
Belgarath et sa petite troupe ont réussi à voler l'Orbe d'Aldur aux adorateurs de Torak ! Il s'agit à présent de sortir de Cthol Murgos au nez et à la barbe des troupes furieuses du roi Taur Urgas : l'évasion ne sera pas simplifiée par le fait que le sorcier Belgarath a souffert de son duel de magie avec le grand-prêtre Ctuchik. Pour Garion, le moment est venu de s'affirmer en tant que leader auprès de ses compagnons : sa tante Pol, en réalité la sorcière Polgara des légendes, reporte sa protection sur le petit Mission - l'enfant innocent qui a su voler l'Orbe sur l'île de Riva... Et le retour aux royaumes du Ponant ne signifiera pas pour autant la fin des aventures : un crochet à la ferme de Faldor permet à Garion de s'en rendre compte, sa route passe maintenant par Riva où son vrai destin lui sera enfin révélé. Reconnu à sa surprise comme le suzerain de tous les rois du Ponant, il va comprendre bientôt la véritable nature de la Prophétie qui organise sa vie - et la route cruelle qui s'ouvre à présent pour lui...
L'histoire d'un valet de ferme objet d'une prophétie doit suivre des étapes marquantes : le départ de la ferme, la constitution de l'équipe au début de la quête, la découverte du pouvoir ou des talents prophétisés, leur mise en application plus ou moins contrariée, la révélation du destin puis enfin son accomplissement. Garion n'échappe en rien à ce schéma : le premier volume de l'intégrale suivait le chemin jusqu'à l'apprentissage des pouvoirs et le premier exploit, et il restait donc un second tome un peu moins abondant pour aborder la fin de la quête. En ce sens, la césure entre les deux tomes semble assez bien positionnée, même si l'on aurait pu discuter l'opportunité d'intégrer le troisième livre - Le Gambit du magicien - à la deuxième partie de l'intégrale ou au contraire de découper l'ensemble en trois : la raison de l'éditeur se conjugue le plus souvent à celle de la littérature, mais celle-ci peut parfois s'avérer multiple.

Au-delà de ces considérations repositionnant le sous-ensemble dans la totalité, il conviendra de dire que la suite de l'histoire de Garion persiste à loucher vers le Legendarium sus-cité. L'Orbe d'Aldur est un artefact de puissance dont la luminosité interne évoque très volontiers un Silmaril, mais dont la volonté voire la conscience propres le rapprocheraient plutôt de l'Anneau Unique - le caractère néfaste et corrupteur en moins ; l'expédition discrète que Garion va entreprendre avec une équipe réduite, alors que le gros de ses alliés prépare un conflit militaire de diversion, s'apparente quant à elle au voyage de Frodon vers le Mordor et l'Orodruin ; l'attente pas inactive de sa promise Ce'Nedra n'est pas sans faire penser à celle d'Arwen même si celle-ci ne lève pas une armée ! La permutation des rôles - puisque Garion tient à la fois de Frodon et d'Aragorn, par conséquent - permet d'éviter l'impression de lire un calque exact, mais malgré tout l'inspiration est transparente au point parfois de se faire un peu lourde. La fin de La Belgariade va trouver son individualité dans sa conclusion : elle n'est pas douce-amère comme celles que Tolkien réservait à nombre de ses œuvres, car ce qui est beau n'y est pas perdu et ce qui est perdu ne l'est pas tout à fait ou pas pour toujours. La Belgariade s'affirme au fond comme une affaire de famille : entre Belgarath et sa fille Polgara, l'affection s'exprime par l'ironie mais aussi l'humour tendre ; quand la place de Garion auprès de sa tante Pol se libère, c'est pour être occupée aussitôt ; l'un des premiers compagnons de quête va trouver à entrer dans ce cercle familial bizarre, au prix rien de moins qu'un marché de dupes avec un dieu.

On pourra se dire toutefois qu'il manque un petit quelque chose à La Belgariade pour être un cycle de fantasy tout à fait remarquable. Sa cosmogonie aurait pu être tout à fait foutraque - les dieux des panthéons traditionnels savent l'être par moments - mais elle est un peu trop sérieuse compte-tenu de l'humour et des facéties qui animent par ailleurs le texte : il s'agit sans doute de montrer que les personnages humains savent ne pas se prendre au sérieux, au contraire de leurs dieux - mais alors, pourquoi les montrer capables d'affliction et de compassion au terme de la quête ? Sa géopolitique se veut complexe, et explicitée par des cartes partielles - mais il manque en réalité une carte entière à laquelle se reporter de temps en temps, et peut-être aussi une chronologie des événements cités au fil de l'histoire... et l'on en vient donc à se sentir parfois mal à l'aise face à l'avalanche de royaumes, de peuples et de conflits du passé. Les enjeux de l'ensemble, contredits par la quête solitaire de Garion devenu Roi de Riva, en ressortent amoindris malgré le morceau de bravoure de Ce'Nedra - dont il est difficile de ne pas penser que sa seule fonction est au fond d'amener le personnage au bon endroit au bon moment. La spécificité de cet univers s'affirme dans le statut de l'intelligence, qui n'est pour ainsi dire pas autre qu'humaine - ce qui laisse une place pour de nouveaux récits ; par ailleurs, certaines énigmes restent irrésolues : sans surprise, il existe une seconde pentalogie intitulée La Mallorée faisant suite à La Belgariade...

L'intérêt que je trouve à cet univers n'est donc pas démenti par ce volume deux, même si je confirme toutefois qu'il m'aurait semblé préférable de le lire il y a trente ans, et à ce titre je m'intéresserai sans doute à sa suite - mais pas dans un avenir immédiat...

Commentaires