Yoko Tsuno tome 25

Yoko Tsuno, vous connaissez ? Mais si... Cette électronicienne japonaise entrée dans le Journal de Spirou vers la fin des années 1960, dessinée par Roger Leloup, qui a eu l'occasion de travailler avec Hergé puisque l'avion de Carreidas dans Vol 714 pour Sidney, c'est lui. Yoko Tsuno est une série emblématique de la BD franco-belge, très ligne claire, et qui doit son succès toujours renouvelé depuis quarante ans à une multitude de détails. Il y a tout d'abord l'imaginaire foisonnant de l'auteur, véritable créateur d'univers de SF à travers la fameuse planète Vinéa. Il y a ensuite sa merveilleuse aptitude à produire des intrigues solides et qui coulent de source. Il y a enfin son incroyable talent de dessinateur : il est capable de restituer à l'identique, suite à des repérages (parce qu'il aime le travail bien fait), des paysages et des lieux. Allez visiter Rothenburg ob der Tauber après avoir lu La Frontière de la Vie si vous ne me croyez pas : vous n'en reviendrez pas plus que moi... J'ai une histoire particulière avec Yoko Tsuno parce que c'est l'une de ces BD qui m'a sensibilisé à la SF quand j'étais enfant (j'ai découvert le personnage l'Eté qui a suivi le CP, c'est dire). SF de surcroît très particulière car Roger Leloup affectionne en particulier la SF technologique, celle où les hypothèses scientifiques sont étudiées jusqu'au bout avec une véritable rigueur. Ce qui n'empêche pas les personnages d'être attachants et vivants : pour nombre de lecteurs, Yoko est une véritable amie, une grande soeur, ou ce que vous préfèrerez, dont les aspirations humanistes sont toujours appréciées. Voilà pourquoi un nouvel album est toujours une grande nouvelle, même si ces derniers temps c'est devenu de plus en plus rare (cinq ans d'attente depuis le tome 24...). On sentait aussi, depuis plusieurs albums, une certaine perte du souffle de la série.

Autant vous dire que cet album-ci était, osons-le, très attendu.

Résumé :
Yoko et sa nouvelle amie, Emilia, partent en villégiature en Ecosse, à Loch Castle, le manoir de Cécilia (voir La Proie et l'Ombre). Et ça tombe bien, parce que la jeune femme (qui fait réaliser d'importants travaux dans sa propriété) a un mystère à soumettre à Yoko. Dans un bâtiment muré de l'abbaye voisine, ses ouvriers ont découvert une femme enchaînée dans un cercueil depuis des siècles ! Il s'agit en réalité d'une androïde dont l'énergie est à présent épuisée, après que les moines l'aient enchaînée - car elle leur avait dit être la servante de Lucifer. Tenaillée par le mystère, mais sans équipement, Yoko décide d'en recourir aux services de ses amis vinéens, et ça tombe bien parce que Khâny est en ce moment sur Terre, occupée à organiser le rapatriement des exilés de Vinéa. Emilia se lie très vite d'amitié avec Lâthy, une jeune vinéenne de son âge. Mais dans la base souterraine des Vinéens, le mystère s'épaissit : quelle est cette zone interdite que Khâny semble si réticente à évoquer dans le détail et où la servante de Lucifer souhaite rentrer ? Se pourrait-il que les vinéens soient au courant des mythes terriens ou bien... en seraient-ils à l'origine ?
J'avais craint, au début, que cette histoire soit un prétexte à utiliser l'ensemble des personnages de Yoko, famille (le trio + Rosée + Emilia, maintenant) et les amis proches (Cécilia, Khâny...), en une véritable cacophonie comme on avait pu en voir une dans de précédents albums. Et c'est vrai que ça commence un peu comme une savonnette lâchée dans une baignoire humide : ça part dans tous les sens. En trois pages on passe d'une intrigue écossaise à un mystère scientifico-historique. Cécilia fait un petit tour et puis s'en va et on se demande comment Roger Leloup va raccrocher les wagons de son histoire. Parce que depuis le temps que des informations "fuitent" ici ou là sur cet album (je suis le site officiel depuis 2007 et on en parlait déjà), on connait le commencement - du moins, dans ses grandes lignes...

Et puis, miracle. Dès l'arrivée de Khâny, la vraie histoire commence. Yoko elle-même s'en rend compte puisqu'elle nous confie : "comment ai-je pu attendre si longtemps ?". Eh oui : Khâny est, dans l'ordre chronologique de l'histoire, la première amie qu'elle ait rencontrée, mais qu'elle a un peu délaissée depuis quelques épisodes... Histoire que les relations entre les deux vieilles amies ne soient pas trop perturbées, Roger Leloup a eu deux idées de génie : d'abord, exit Rosée, qui reste en arrière avec les enfants vinéens, parce que la mission promet d'être trop dangereuse pour elle... et là je dis un peu ouf, parce que la présence de la fille adoptive de Yoko était parfois un peu envahissante. Ensuite, Emilia s'étant trouvée sa propre amie en la personne de Lâthy, on comprend qu'elles vont pouvoir mener leur propre chemin ensemble. Du coup, Yoko reste centrée avec son trio d'amis du départ : ses deux compères de toujours, Vic et Pol, et bien sûr Khâny. Excellente combine scénaristique, expédiée en quelques pages, qui permet de resserrer l'intrigue autour des personnages qui ont le meilleur potentiel.

L'intrigue, parlons-en. Sans qu'elle soit très nouvelle dans le fond, je dois dire que j'attendais depuis longtemps le retour des Vinéens sur Terre, et c'est un très intéressant bonus. En dehors de quelques incertitudes sur les dates (quand donc est arrivée la deuxième équipe de Vinéens, celle qui est venue pour conquérir ?), c'est plutôt bien construit et on se laisse très volontiers prendre à cette histoire de zone interdite où un homme, émule du Guide Suprême des Trois Soleils de Vinéa, n'a rien trouvé de mieux que de se changer en "Lucifer" (au sens propre du terme) pour asseoir sa puissance sur les hommes de la Terre... Cela faisait longtemps que j'avais envie de revoir le "côté obscur" des Vinéens : voilà, c'est fait, c'est réussi, je suis content.

Comme toujours dans Yoko Tsuno, cela se termine par un happy-end, enfin, deux plutôt : d'abord parce que tout est bien qui finit bien. Mais aussi parce que Roger Leloup a réussi un album magnifique, digne des meilleurs moments de la série. Cela valait bien cinq ans de travail : bravo, et merci !

Commentaires

Efelle a dit…
Un album qui devra attendre les fêtes (il figure sur la liste de voeux de mon épouse) pour être lu.

J'aime bien aussi quand la face sombre des vinéens est mise en avant.
Ferocias a dit…
Il y a une éternité que je n'ai pas lu un volume de cette série.
La prochaine descente à la bibliothèque en sera l'occasion!
Anudar a dit…
@Efelle : j'attends de voir le compte-rendu que tu en feras :) !

@Ferocias : j'espère que tu trouveras celui-ci, c'est une vraie belle réussite...
Efelle a dit…
Je n'ai pas encore la libre disposition de l'album mais je l'ai lu...
Le flou artistique sur les dates n'est gênant que si on cogite un peu sur cette univers, c'était déjà le cas avec La lumière d'Ixo ou même des Trois Soleils de Vinéa. Disons que la technologie vinéenne dépasse l'entendement humain et les ans. :)
Un bon album en effet qui rappelle que le processus d'évacuation de la Terre par les vinéens est long.