Watchmen

Je ne suis pas très porté sur les comics. A part le minimum syndical concernant les super-héros, je dois dire que je ne connais pas du tout cet univers. J'ai beaucoup apprécié la série (européenne) La Brigade chimérique dont j'ai déjà parlé ici, qui constitue sans doute un hommage à la BD américaine, mais Watchmen était pour moi une première...

Résumé :
1985. Les Etats-Unis sont dirigés par Nixon depuis des années. De crise en crise, la guerre froide s'aggrave. L'Union Soviétique a développé un immense arsenal nucléaire pour s'opposer à la menace américaine : depuis 1960, le Dr. Manhattan, produit d'un accident expérimental, donne une supériorité militaire considérable à son pays, ayant rendu possible la victoire au Viêt-Nam et ayant infligé un grand nombre de revers au Bloc de l'Est. L'horloge de l'apocalypse avance de plus en plus vers minuit, alors que l'Armée Rouge envahit l'Afghanistan... Un justicier masqué, le Comédien, est assassiné à son domicile. Rorschach, l'un de ses anciens acolytes, mène l'enquête... Pour lui, quelqu'un cherche à éliminer les membres de l'ancienne confrérie des Vigilants. Existe-t-il un lien avec la situation politique d'un monde au bord de l'abîme ?
Quand je parle d'une première, ce n'est pas tout à fait vrai. J'avais vu le film Watchmen lors de sa sortie et je savais donc à quoi m'en tenir du point de vue de l'intrigue. Celle-ci est dense, intelligible à maints niveaux, recourant aux retours en arrière et même à la mise en abîme (par l'intermédiaire d'une autre BD "interne" à l'intrigue, l'histoire d'un homme vivant aux temps de la piraterie et souhaitant faire justice lui-même). J'ai donc pu constater la très grande fidélité de l'adaptation au cinéma, les détails "oubliés" par les cinéastes étant ni plus ni moins qu'accessoires à l'adaptation. Par contre, leur présence dans l'intrigue de la BD n'est pas sans donner une impression de cohérence et de profondeur tout à fait intéressante. Revers de la médaille, on met un moment à saisir tous les niveaux de compréhension de l'ouvrage... Le dessin est très soigné, riche en détails, et la succession des cases permet parfois une lecture presque cinématographique de l'intrigue. Seul regret, les couleurs sont parfois un peu criardes et difficiles à interpréter...

Watchmen est avant tout de l'uchronie. Dans les années 1940, une première bande de super-héros, les Minutemen, a fait régner l'ordre et la loi aux Etats-Unis alors que, dans le même temps, la Seconde Guerre Mondiale ravageait l'Europe et l'Asie. Plus tard, l'intrusion du Dr. Manhattan dans la trame de l'Histoire termine de bouleverser celle-ci : Nixon a fait modifier la constitution pour briguer de nouveaux mandats depuis 1969. Face aux incertitudes représentées par la présence d'un être capable de maîtriser toute forme de matière, l'Union Soviétique n'a pas d'autre choix que celui de la surenchère... Une situation qui n'est pas sans rappeler celle des années 1980 où la crise des euromissiles a été, sans doute, le dernier soubresaut d'importance de la guerre froide. Il est vrai que cette BD fut écrite dans la deuxième moitié des années 1980. Sans doute faut-il y voir un lien de causalité...

En fin de compte, il s'agit là d'une oeuvre fort réussie, plaisante à lire bien que sa lecture soit exigeante. Je suis content d'avoir (enfin) franchi le pas...

Voir aussi l'avis de Efelle.

Commentaires

Leto a dit…
C'est souvent le titre le plus cité lorsqu'il s'agit de défendre le comics. Je l'ai moi aussi découvert sur le tard (l'année dernière lors de sa réédition). Je m'attendais à lire quelque chose de vraiment incroyable tant watchmen est considéré par beaucoup comme un chef-d'œuvre. Malheureusement, même si j'ai beaucoup aimé le dessin et que je reconnais la qualité de l'écriture, je suis passé complètement au travers (ça mériterait sans doute une relecture): je me suis presque ennuyé en lisant le titre...Je sens que je vais me faire lyncher!
Anudar a dit…
Lyncher, non, mais j'aimerais savoir pourquoi tu dis t'être "presque ennuyé" en le lisant ?
Leto a dit…
Je n'ai pas vraiment d'arguments "objectifs". C'est bien dessiné, le découpage est bien foutu, c'est bien écrit, il y a du fond, plusieurs niveaux de lecture...bref un tas de qualités!
Peut-être parce que j'ai trouvé ça trop dense...en même temps c'est en général une qualité pour moi...en fait je ne sais pas pourquoi je n'ai pas "adoré" watchmen. Il faudrait que je relise pour me faire un avis définitif : parfois on est pas dans les bonnes dispositions pour apprécier une oeuvre (quelle qu'elle soit) et c'était peut-être le cas pour watchmen. Je ferais peut-être un billet à l'occasion de cette relecture (je dis peut-être car mon activité sur mon blog est proche du néant en ce moment...)
Efelle a dit…
Une oeuvre dense pour laquelle il convient de prendre son temps.

Ma propre chronique :
http://efelle.canalblog.com/archives/2011/02/12/20374320.html
Anudar a dit…
@Muad Dib : je t'en prie, relis-le, j'ai bien envie de voir si ton avis va changer :).

@Efelle : je te lie ;).
Vert a dit…
Je l'ai lu juste avant la sortie du film, j'en garde un très bon souvenir. Ca demande beaucoup d'attention (je me rappelle l'avoir lu en plusieurs fois, ce que je ne fais jamais en BD/comics), mais l'histoire est vraiment énorme. Et le dessin... bah il fait son âge mais c'est pas pire que Sandman :D

Le film paradoxalement ne m'a pas beaucoup marqué, mais il est tellement fidèle qu'il n'amène rien de plus...
Guillmot a dit…
J'en ai lu une grosse partie, c'est sympa même si je ne suis pas un fana des Watchmen. Les super-héros, c'est très subjectif et intime j'ai l'impression ^^
Pitivier a dit…
Watchmen, c'est avant tout une énorme déclaration d'amour aux comics de l'age d'or et de l'age d'argent ainsi qu'à la sf des années 50. C'est vrai, la lecture est exigeante et il est impossible de tout saisir à la première lecture. Mais quelle richesse et quels personnages. Ils sont laches, faibles, dérangés, mégalos et finalement celui qui à la fin apparait le plus "humain" c'est Rorschach.

@Guillaume44
Que veux tu dire par "Les super-héros, c'est très subjectif et intime" ?
Guillmot a dit…
@ Pitivier : chaque super-héros développe une affinité avec le lecteur qui crée un lien intime d'identification, ce qui fait qu'un personnage plaira énormément à un fan de comics et moins à un autre, c'est intéressant pour cela ! Par exemple moi-même j'ai un faible pour les super-héros sans super-pouvoirs mais ultra-high-techs.
Anudar a dit…
@Pitivier : pas sûr que Rorshach soit le plus humain. Et je ne fais pas référence à sa violence mais plutôt à sa façon de refuser toute forme de compromis, ça fait très mécanique et a-humain... Par contre, je te rejoins sur la lecture des autres personnages.

@Guillaume44 : c'est vrai, j'ai l'impression que l'on a tendance plutôt à s'attacher à certains super-héros qu'à d'autres. J'aime bien Batman parce que c'est le plus "plausible", Kick-Ass parce que c'est très déjanté, Spiderman parce qu'il a des problèmes pour payer son loyer...
Pitivier a dit…
@Guillaume44
ah ok ok ok. On est d'accord.

@Anudar
C'est comme ca que je sens le personnage. Ozymandias... no comment. Le Comédien, c'est un fou furieux totalement psychopathe. Manhattan, n'a plus rien d'humain. Le hibou est d'une lacheté crasse. Il laisse les 3/4 de l'humanité périr et préfère s'envoyer sa copine. Idem pour Silk Spectre fille. Quand à Silk Spectre mère elle est au fond de sa bouteille de whisky. Les minute men ont quasi tous mal terminé... Quand à Rorschach, il est certes violent et sans pitié mais son comportement est en réaction à un monde violent et sans pitié et sur la fin, c'est le seul à montrer un peu d'indignation et à s'opposer aux plans de qui tu sais.... De tous ces personnages, Rorschach est qui ait encore une capacité d'indignation et qui se soit pas centré sur sa propre personne. C'est le seul auquel j'arrive à m'identifier et pour lequel je puisse ressentir de l'empathie.