Jurassic World : Fallen Kingdom

Il y a trois ans, la franchise Jurassic Park est revenue sur les écrans à travers un film dont le titre - Jurassic World - annonçait un renouvellement dans la continuité : c'était en tout cas ce que j'en attendais. Le film, que je n'ai pas (encore) chroniqué, m'a fait une impression mitigée : outre les grosses bêtes habituelles et la machine commerciale du parc promise au dérapage, quelques scènes "hénaurmes" témoignaient du désir de l'équipe du film de faire plus gros, plus dentu et plus surprenant que les précédents. Une fois de plus, le parc une fois évacué, les dinosaures se trouvaient libres sur leur île... mais pour autant, seraient-ils laissés en paix par les êtres humains - à commencer par leurs créateurs ?
Résumé : 
Le parc Jurassic World a fermé ses portes, mais les dinosaures d'Isla Nublar n'en ont pas fini avec le monde humain. Alors qu'un volcan menace de rendre leur île tout à fait inhabitable, se pose la question d'un sauvetage des animaux ramenés à la vie par quelques scientifiques dévoyés à des fins de grand spectacle. Claire, qui dirigeait le parc au moment de sa débâcle, cherche à protéger les derniers dinosaures de la Terre - et reçoit le soutien inattendu de Lockwood, l'un des deux milliardaires qui ont initié le projet de parc Jurassique au siècle précédent... Il s'agit d'évacuer les dinosaures vers une île où ils seront laissés en paix pour toujours - et pour accomplir cette mission délicate Claire va devoir persuader Owen de l'accompagner, car le soigneur est le seul qui sache faire obéir Blue, le dernier des vélociraptors du parc. Sur l'île, Claire et son équipe vont découvrir des installations informatiques toujours fonctionnelles - mais aussi toute une bande de mercenaires qui, bien que payés par Lockwood, semblent avoir des intentions quelque peu éloignées de la mission de sauvetage prévue au départ... Quels risques les dinosaures courent-ils ? Quelle horreur les maîtres du parc jurassique ont-ils encore concoctée ?
Un Jurassic Park, bon ou mauvais, se doit d'inclure le moment de découverte émerveillée des grosses bêtes qui - bien que disparues depuis des millions d'années - continuent encore de fasciner petits et grands. Allez savoir pourquoi, mais les dinosaures - qui n'étaient pas tous des géants - possèdent une espèce de pouvoir d'attraction bizarre : il suffit pour le comprendre de voir le succès que rencontrent dans la vraie vie les expositions qui tournent autour de ces animaux disparus au moment de la transition Crétacé/Paléocène... Sans doute que les dinosaures décrivent d'eux-mêmes un monde semblable au nôtre mais où l'être humain n'a pas sa place, un monde que l'on imagine grouillant de prédateurs monstrueux et contre lesquels nous serions presque sans défense. Le parc Jurassique promet une confrontation inoffensive avec des copies génétiques de ces animaux - le frisson sans la réalité, en quelque sorte - mais ses concepteurs oublient que ces dinosaures, s'ils ne sont que des chimères, n'en restent pas moins des animaux dangereux. Le cap était franchi dans le précédent opus de la franchise : le principal antagoniste n'était autre qu'un animal assumé comme chimérique, à savoir un pseudo-dinosaure mêlant les caractéristiques du tyrannosaure à celles du vélociraptor. Cette créature monstrueuse pour plusieurs raisons se révélait aussi hostile que vicieuse, et témoignait de ce que la génétique promettait bientôt d'être utilisée à des fins militaires. Cette transition-là est accomplie dans le présent opus : l'antagoniste principal est un nouveau pseudo-dinosaure hybride et conçu, d'une façon explicite, pour être une arme de guerre.

Le nom dont les généticiens fous à l'origine de ce projet affublent leur dernière création est (presque) digne de celui d'un adversaire à la taille du fameux Sharktopus et la chose, en elle-même, contribue à flécher ce film vers le nanar ; du reste, le jeu des acteurs, le déroulement de l'intrigue, le caractère clinquant de certains décors, la chorégraphie des combats impliquant les dinosaures et la mort ignominieuse des méchants - créatures comprises - sont eux-mêmes très volontiers typés nanar. Jurassic World : Fallen Kingdom méritera, je pense, d'être revu dans quelques années afin d'en évaluer avec sérieux tout le potentiel nanaresque : il est vrai que l'on rit par moments volontiers devant ce spectacle qui aurait pu être navrant si ses acteurs s'étaient pris au sérieux, ce qui n'est par chance pas le cas - faudrait-il être mauvais acteur pour jouer avec sérieux dans un Jurassic World 2 ! - et nous permet donc de bénéficier d'un jeu en permanence trop appuyé pour être tout à fait crédible. Malgré tout, le spectateur pourra trouver dans ce spectacle quelques éléments de la philosophie première de Jurassic Park : les dinosaures, que l'être humain a ramené à la vie dans un monde qui n'est pas fait pour eux, sont eux aussi des victimes - et même l'Indoraptor en est une. La science n'est en elle-même pas mauvaise, pas plus que les dinosaures, mais le mal s'infiltre dans l'oeuvre humaine quand l'hubris vient s'en mêler : même si le propos de ce film est boiteux et par moments bien mal justifié, nul doute que ses auteurs ont compris la leçon humaniste qu'il fallait tirer de l'oeuvre de Michael Crichton - et pour cela au  moins, Jurassic World : Fallen Kingdom vaut la peine d'être vu pour ce qu'il est avant peut-être de s'en aller vivre une seconde vie auprès des amateurs de nanars...

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