Dark Crystal : Le temps de la résistance

Après avoir parlé de Dark Crystal il y a quelques mois, le moment est venu d'évoquer sa préquelle, une série disponible en streaming depuis le 30 Août 2019 !
Résumé : 
Thra est une planète à la végétation luxuriante que se partagent plusieurs espèces intelligentes. Les fantasques Podlings et les industrieux Guelflings respectent l'ordre formé autour du Cristal de Vérité, les seconds entretenant même une guerre sans fin contre la redoutable eusocialité des Arathim... Pourtant, les souverains de ce monde mentent à leurs sujets : les Skeksès, qui ont reçu de l'immortelle Aughra la garde de Thra en contrepartie d'un planétarium gigantesque, se sont proclamés Seigneurs du Cristal et y prélèvent tous les jours l'énergie nécessaire à la prolongation de leurs vies. Un jour vient pourtant où le Cristal refuse de leur donner plus d'énergie : refusant l'éventualité de l'extinction, les Skeksès vont chercher une façon d'extraire de Thra elle-même l'essence de vie dont ils ont tant besoin... Pourront-ils dissimuler leurs crimes encore bien longtemps ? Les autres habitants de Thra pourront-ils se révolter à temps ?
L'intrigue de Dark Crystal et sa conclusion soulevaient un certain nombre d'interrogations : comment Thra s'est-elle changé en terre presque désertique ? Et comment les Skeksès sont-ils devenus les souverains d'un véritable cimetière ? La préquelle dont il est question ici se propose d'éclaircir par l'exploration le subtexte de cet univers : il ne sera pas question de la scène primitive que constitue le bris du Cristal mais plutôt d'une époque intermédiaire où les Skeksès jouissent d'une réputation usurpée de maîtres bienveillants. C'est ainsi que leurs serviteurs Podlings ne sont pas encore décérébrés, mais aussi que des soldats Guelflings patrouillent à leur service dans les murs de leur Château... Dark Crystal : Le temps de la résistance est donc vouée à représenter une déchéance - ou plutôt, à en illustrer plusieurs.

De quelles déchéances parle-t-on ? De celle de Thra, d'abord et bien sûr : il s'agit de montrer comment un monde luxuriant et peuplé de plusieurs espèces intelligentes s'est changé en désert. On constate ici que l'attitude de certains protagonistes Guelflings précipite les événements inévitables qui conduisent à la situation connue dans Dark Crystal : parfois, il est plaisant de s'en tenir à l'ordre établi et à ses traditions - d'autant que la subdivision des Guelflings en clans quelque peu antagonistes les prédispose au conservatisme - plutôt que d'être curieux du monde et de questionner les apparences. Mais c'est aussi de la déchéance des Skeksès dont il est question : ces créatures gloutonnes (à tous points de vue) et cruelles ne sont que des aberrations à moitié folles dont la rapacité devient de plus en plus difficile à dissimuler. C'est que les Skeksès inspirent une forme bizarre de répugnance : leur apparence menaçante, leur capacité infinie à mentir et à se trahir entre eux, leur volonté de tout utiliser comme une ressource à leur profit... vont de pair avec leur goût pour le grotesque et leurs mauvaises manières à table. Et donc, si les Skeksès de Dark Crystal ne faisaient plus illusion alors que ceux des premiers épisodes de la présente série semblent encore quelque peu policés en public, c'est qu'il s'est passé quelque chose dans l'intervalle. En l'occurrence, le point de vue adopté par les scénaristes est fort intéressant : certains crimes sont pires que d'autres et font franchir un palier décisif dans l'ignominie, si bien que ceux qui les commettent en deviennent tout à fait irrécupérables.

Si l'enchaînement des péripéties donne l'occasion d'éclaircir un peu le contexte de Dark Crystal, il faut reconnaître que l'épopée de Rian, de Brea et de Deet n'est guère singulière dans le vaste répertoire de la Fantasy. Là où le film offrait un discours dualiste assez rare en ce genre, l'époque de la série ne permet pas de le mettre en avant et le remplace par un manichéisme beaucoup moins original - encore que quelques indices étranges permettent au vieux routier de Thra ou au spectateur novice mais attentif de deviner l'intention derrière la peinture. Les épisodes s'enchaînent sans réelles surprises : après tout, il s'agit de raconter comment on en est arrivé à l'épopée de Jen et de Kira, soit donc de justifier l'extinction des Guelflings... et l'on sait qu'à la fin cela va mal tourner, si bien que les détours empruntés par les personnages (qu'ils l'aient fait exprès ou non) apparaissent parfois quelque peu téléphonés. Le réel intérêt de ce spectacle tient en réalité dans le travail minutieux consenti par ses auteurs : animer tout ce petit monde (on rappellera que Dark Crystal est au fond un théâtre de marionnettes) et lui donner une telle richesse tient bel et bien de la prouesse...

Intéressant objet télévisuel, Dark Crystal : Le temps de la résistance mérite sans doute d'être vu après le film qui l'inspire. Au fond, la vraie histoire de Dark Crystal est déjà connue : tout ce que l'on attend à présent, c'est de revenir sur Thra pour y voyager - ce que la présente série accomplit à la perfection, à défaut de surprendre par sa créativité littéraire...

Ne manquez pas l'avis de Tigger Lilly !

Commentaires

Efelle a dit…
Oui, très lent au démarrage puis on accélère avec l'épisode 6. Je vais regarder les 3 derniers d'un coup.
Anudar a dit…
La fin est bien pétante. J'attends que tu me dises ce que tu en as pensé !
Tigger Lilly a dit…
Je ne le trouve pas aussi manichéen que ça, même si c'est pas d'une subtilité folle. Les dissensions voire le racisme chez les Gelflings, leur soumission à l'autorité, n'en font pas des personnages toujours sympathiques, du côté des Skeksès il y a l'Hérétique qui offre un autre son de cloche.
Tout cela s’insère dans un univers plus complexe, dont je commence à soulever le coin du tapis car j'ai lu il y a peu le comics Dark Crystal Creation Myths, qui se passe bien avant la série. J'en parlerai sur le blog avant la fin du mois.
Anudar a dit…
Ah ça oui, les Guelflings sont loin d’être tous positifs...

Ce que j’aime en tout cas c’est que les deux (le film et la série) sont bien raccord. Et du coup ça roule : on a bien l’impression qu’il y a eu un travail de réflexion sur le scénario !
Efelle a dit…
De mon côté, je retiens Chasseur, Archer et l'Hérétique.
Côté Gelflings seul Deet m'a marqué.
L'histoire ronronne sans trop de surprises, à part les deux couples Skeksès/Mystique cité au-dessus.
Sympathique, joli mais pas incontournable.

Ma mémoire me fait défaut ou Général est bien vivant dans le film ?
Anudar a dit…
Le Général du film n'est pas celui de la série. SkekUng est le Maître des Garthim, il devient Général quelque part entre la série et le film avant de devenir Empereur :)
Efelle a dit…
Merci pour cette précision.