Le Voleur - Claire North

Il y a quelques temps, j'ai chroniqué ici Les quinze premières vies d'Harry August signé Claire North : ayant à peu près à la même époque reçu en cadeau de son éditeur le second volume de la trilogie La Maison des Jeux, et bien que n'ayant pas encore chroniqué le premier intitulé Le Serpent, l'occasion était belle pour moi de me pencher sur Le Voleur.
Résumé : 
Un jeu bien inégal va s'ouvrir en Thaïlande, à la fin des années 30. Remy Burke, pilier de la Maison des Jeux depuis cinquante ans, a été défié par un joueur dévoré d'ambition. Pour gagner, il suffit d'échapper à la capture le plus longtemps possible puis de capturer l'adversaire en seconde manche... Or les pièces accordées à l'adversaire de Remy sont d'une puissance inhabituelle et lui-même n'est pas tout à fait en possession de ses pleins moyens. S'il perd, il perdra ses souvenirs et peut-être son âme, alors que s'il gagne ses gains seront négligeables. Pourquoi la Maison des Jeux a-t-elle autorisé une partie si déséquilibrée ? Mais surtout... Remy parviendra-t-il à gagner envers et contre tout ?
Les joueurs de la Maison des Jeux - ou à tout le moins, les meilleurs d'entre eux - mettent en jeu leur énergie vitale ou leurs talents contre ceux de leurs adversaires. Qui perd se retrouve ainsi affligé de divers maux voire même d'une vieillesse prématurée. Le Serpent donnait à visiter une des (nombreuses ?) itérations de la Maison, à Venise, et il y était question de la désignation d'un dignitaire important où en filigrane de l'opposition entre deux compétiteurs se trouvait celle entre deux joueurs. S'il existe au sein de La Maison des Jeux une forme de magie celle-ci n'en tient pas lieu d'argument principal : en effet, les deux antiennes de cette trilogie pour le moment sont que le jeu est encadré de règles à respecter... mais aussi que les pièces à jouer sont humaines, attachées au jeu par un tissu d'arrangements qui les contraignent à faire ce qui leur est demandé. Jamais plus, et jamais moins.

Le Serpent montrait comment agissent des volontés humaines piégées dans le jeu en tant que pièces. Le Voleur, en toute logique, s'intéresse plutôt à l'autre volet : celui des règles auquel chacun doit obéir dès lors qu'il se considère comme un joueur... mais aussi à partir du moment où il devient membre éminent et en réalité influent au sein de la Maison. Ses joueurs les plus anciens - et donc, les plus puissants - semblent en effet disposer d'un réel pouvoir dont certains n'hésitent pas à faire usage. Au jeu le plus évident - celui qui pourrait avoir de si graves conséquences pour Remy - se superpose donc une bataille plus feutrée, ou plutôt se dessinent les prémisses d'un conflit majeur au sein même de la Maison. La question qui taraude Remy et ses quelques alliés n'est en effet autre que celle de savoir pourquoi, au juste, un jeu si déséquilibré a été permis par les arbitres qui encadrent les parties.

La date à laquelle cette partie se déroule - 1938 - et son lieu - la Thaïlande de l'entre-deux guerres - semble distiller quelques informations quant à une itération future de La Maison des Jeux. On sait depuis Le Serpent que les joueurs font et défont les fortunes des rois et des nations, selon leur chance et leur talent... Le Voleur est-il donc le récit d'une partie préparatoire au second conflit mondial ? Qui au juste a intérêt à ce que les souvenirs de Remy restent dans sa tête ou, au contraire, aillent à un joueur dévoré d'ambition ? Et si les joueurs n'étaient au fond que des pièces dans un jeu dont ils ne font que pressentir l'existence ? Il est remarquable qu'en un temps fictionnel si court l'auteure soit capable à la fois de résoudre la situation du personnage principal et de soulever autant de questions intéressantes... Bravo !

Ne manquez pas l'avis : du Maki, ...

Commentaires

Christian a dit…
Je me suis procuré Le serpent que je n’ai pas encore lu,et pour Le voleur,je trouve ta chronique éclairante avec des pistes pour une meilleure compréhension de ces ouvrages.
Anudar a dit…
Je t'invite à lire au moins "Le Serpent". Cela te donnera une bonne idée de l'ensemble. Mes impressions à ce stade ne valent pas grand-chose tant que je n'ai pas lu la fin, qui sera intitulée "Le Maître" si j'en crois les informations disponibles sur le Net ;)
Le Maki a dit…
C'est vraiment un texte référence, comme tu le dis en si peu de mots, de pages, l'autrice arrive a nous embarquer dans un univers complet et complexe, structuré avec des personnages (certes peu nombreux) assez détaillé et pour couronner le tout, une intrigue, une résolution et des questions.

C'est une réussite totale, j'attends le dénouement avec impatience mais sans une certaine appréhension. Patientons jusqu'à mi-janvier, il me semble...
Anudar a dit…
J'aurais craint que ce soit plus lointain. Bonne nouvelle donc !