Barbares - Rich Larson

Barbares est un texte court signé Rich Larson, paru il y a peu dans la collection "Une heure-lumière" du Bélial', et qui m'a été offert par son éditeur.
Résumé :
Yanna connaît bien les nagevides, pour avoir grandi sur l'un d'entre eux avant qu'il ne soit interdit de construire des habitats sur ces formes de vie sans doute artificielles qui traversent l'espace : une expérience qui rend précieux aux yeux des touristes l'équipage qu'elle forme avec son ami Hilleborg... comme ces jumeaux d'une indécente richesse dont la fantaisie consiste à visiter non un nagevide en vie, mais bel et bien le cadavre de l'un d'entre eux. L'affaire est un peu louche mais la récompense promise par les jumeaux aristos est indispensable à Yanna, qui veut offrir un nouveau corps à Hilleborg. Sauf que le comportement des touristes, une fois débarqués sur le nagevide, se fait de plus en plus intrigant... quelle horreur attend le groupe sur ce cadavre géant ?
L'année dernière, Rich Larson nous promenait dans l'environnement aussi glacé qu'hostile d'Ymir : cette année, celui de Barbares s'avère foisonnant plutôt que glacé (encore que) mais tout aussi hostile. Sur Terre, la vie mal connue des plaines abyssales dépend pour sa survie aussi bien de la neige marine que des grands cadavres dont en particulier ceux des baleines : les dépouilles arrivées au fond grouillent bientôt de vie nécrophage capables de nettoyer la moindre particule organique. Le nagevide imaginé ici, que le texte mais aussi la couverture suggèrent être un équivalent spatial des grands cétacés terrestres, porte ses décomposeurs avec lui au cours de sa vie et ceux-ci l'accompagnent vers sa transformation ultime en anneaux de géantes gazeuses. L'écologie qui est suggérée intrigue d'autant plus qu'elle semble être artificielle au moins en partie, mais elle ne constitue pas le cœur du texte... tout au plus un élément de solution.

A cette énigme va en effet répondre une autre. Il est osé d'intituler un texte "Barbares" alors qu'il est censé se passer dans un avenir lointain et que plusieurs de ses personnages capitaux sont "de la haute"... Ce paradoxe constitue en réalité l'épine dorsale de Barbares : la puissance vient volontiers avec la cruauté, c'est un fait bien connu depuis les premières monarchies humaines... toutefois, elle vient aussi avec la culture et le raffinement. Les "aristos" de cette histoire sont cruels dans leurs actes, y compris de façon indirecte puisque les jumeaux mentent volontiers à leurs employés. Même la loi est cruelle : puisqu'il est possible à cette époque future de faire vivre une tête sans corps, il est donc légitime à des fins d'économies... de décapiter les taulards, libre à eux une fois leur peine purgée de payer un nouveau corps, s'ils en trouvent les moyens bien sûr.

Montrant tout au long du texte que malgré les possibilités sans limites qu'apporte la technologie l'être humain restera toujours pareil à lui-même, Rich Larson s'offre le luxe de fournir à son lecteur une troisième et ultime question. Dans cette histoire de casse interstellaire - eh oui - quelqu'un doit être pigeonné pour qu'un autre (ou des autres...) puisse remporter le gros lot. Si les règles du jeu font frémir, elles restent limpides et l'on comprend bien vite par quel tour de passe-passe tout peut "bien finir" pour les personnages (ou du moins pour certains d'entre eux). La question posée alors est celle de savoir si les sacrifices consentis en auront valu la peine : c'est dans cette interrogation, et dans sa réponse potentielle, que se niche l'humanité acquise ou révélée de chacun...

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