L'Arche spatiale tome 2 - La fille du Capitaine - Peter F. Hamilton

Voici la suite d'Une brèche dans le ciel, que j'ai chroniqué il y a quelques semaines.
Résumé : 
Hazel est revenue dans l'habitat principal de l'Arche, porteuse de nouvelles préoccupantes. Certes, la fuite atmosphérique est réparée... mais elle a découvert que l'Arche est en réalité sous le contrôle des Yis, une espèce extraterrestre intelligente que l'équipage humain avait autrefois embarquée par charité. Certaines des IA de bord ont été subverties et se battent à présent pour les Yis, tandis que d'autres se sont claquemurées dans leurs sections en attendant que des survivants humains viennent leur ordonner de reprendre la lutte. Si Hazel a pu - grâce au sacrifice de l'une d'entre elles - usurper les écrans du "Capitaine Electrique" pour informer la population humaine du péril qui pèse sur elle, tout reste à faire pour arracher aux Yis le contrôle du vaisseau. Toute la question est de savoir où se terrent les "reines-cerveaux" sessiles qui dirigent les extraterrestres... et surtout de comment contacter les IA restées libres, qui seules pourront construire le matériel nécessaire à la reconquête. Une course contre la montre s'engage alors que les Yis éteignent l'éclairage intérieur de l'habitat pour essayer d'isoler Hazel et ses amis de la population humaine par ailleurs indécise : pour la remporter, il faudra de nouveau s'introduire dans la dangereuse partie avant de l'Arche, en espérant contacter à temps l'une des sections inaccessibles aux extraterrestres. Quelles merveilles de l'ancien temps attendent Hazel et ses amis au cours de leur voyage ? Et quelles horreurs, aussi ?
Comme je le démontrais dans ma précédente chronique, Peter F. Hamilton réalise dans cette série comme une synthèse de space-operas plus anciens et même classiques. L'ensemble est traité selon un angle d'attaque accessible au jeune public : une héroïne volontaire mais qui doute souvent de ses capacités, un mentor presque omniscient, des périls faciles à conceptualiser ainsi qu'un soupçon de romance. On s'éloigne donc d'autres pièces du même auteur, qui sait d'ordinaire faire la part belle au sense of wonder sans négliger les concepts exigeants et même adultes. La chose peut surprendre - voire même décevoir, comme ce fut le cas pour le Maki - mais il n'en reste pas moins que c'est un Hamilton et que tôt ou tard les amateurs de son oeuvre s'y intéresseront...

Alors, cette suite ? Il suffira d'en dire qu'elle poursuit l'intrigue au point où le précédent volume s'arrêtait, puis qu'elle se conclut sur de nouvelles incertitudes et cette fois-ci un exode en attendant la conclusion générale. Que fait Hamilton entre deux ? Il réédite l'exploration qui constituait le morceau de bravoure du précédent volume, en ramenant ses jeunes personnages dans la partie avant de l'Arche. Certes, ce nouveau voyage est agrémenté de nouvelles péripéties - et permet de mieux comprendre la disposition interne de l'Arche, dont l'allure s'éloigne un peu plus de celle d'un objet Rama - ainsi que de nouvelles terreurs. Mais malgré tout, la saveur de l'ensemble ne diffère que de peu de celle du réchauffé... voire même du peu original. On est chez Hamilton, et les concepts centraux de l'oeuvre se dévoilent petit à petit, ce qui amène le lecteur à fonctionner par essais et par erreurs - voire même dans certains cas à se fourvoyer. La vraie nature du Cyclage est donc révélée ici, et elle est de toute évidence conçue pour révulser - mais on sent (et on sait !) que Hamilton aurait pu faire pire, et qu'il s'est sans doute bridé pour une raison ou pour une autre. L'IA contactée par Hazel et ses amis s'avère être d'une essence autre que celle qu'ils ont découverte auparavant - mais là encore, l'audace de Hamilton apparaît comme limitée par rapport à ce que l'amateur de son oeuvre aurait été en droit d'espérer.

Là où Hamilton cependant ne déçoit pas, c'est dans la formulation de l'énigme cardinale de cette histoire. Les Yis sont expansionnistes et ont eu recours au génocide pour prendre le contrôle du vaisseau comme du monde qui en constitue la destination, c'est établi ; la société truquée qu'ils ont construite leur permet d'entretenir l'écologie de l'habitat, dont ils bénéficient de façon directe jusqu'à l'arrivée... mais dans ces conditions, pourquoi ont-ils laissé l'Arche se dégrader suite à un impact extérieur ? Et surtout... pourquoi le vaisseau continue-t-il son voyage alors que la destination aurait dû être atteinte peu après l'impact en question ? La solution triviale à cette énigme - à savoir, que les Yis ne sont tout compte fait pas assez intelligents pour accomplir leurs propres objectifs - n'est sans doute pas celle à laquelle Hamilton a pensé, comme le lecteur averti s'en doute : l'auteur a souvent plus d'un tour dans son sac ! C'est ici que l'on se perd en conjectures et que l'on se dit qu'il faudra bel et bien lire le troisième morceau pour en avoir le cœur net. Cette motivation est à mes yeux suffisante pour tolérer que du temps fictionnel soit perdu dans la construction d'un triangle amoureux, dont la résolution sera sans doute un moment important du prochain volume... concession aux préoccupations perçues par l'auteur (ou son éditeur ?) au public sans nul doute ciblé.

Au deux tiers du voyage, la question méta-textuelle prédominante est donc celle de savoir quelle place l'auteur donne à cette série dans son oeuvre...

Commentaires

Le Maki a dit…
Ton billet me confirme que j'ai bien fait de m'arrêter au premier !
Anudar a dit…
Je pense en effet que si l'on n'a pas été au minimum bienveillant à l'égard du premier, mieux vaut ne pas aller lire le deuxième.

Je suis néanmoins curieux de la conclusion. J'ai l'espoir, peut-être mal placé, de voir Hamilton faire beaucoup mieux et justifier tout ce qui précède...