Rose House - Arkady Martine

Il y a deux ans, je chroniquais ici Un souvenir nommé empire : le présent texte est de la même auteure, et comme on va le voir il s'agit d'une oeuvre très différente...
Résumé : 
Dans un futur un peu lointain, l'architecte Basit Deniau a créé un monstre : Rose House est une maison hantée par une intelligence artificielle, au sens où la conscience de la machine se trouve dans chacun des éléments de la demeure. Deniau y est mort, il y a trouvé son ultime résidence, et la maison refuse désormais l'accès à qui que ce soit - hormis à la professeure Selene Gisil, à laquelle le testament de l'architecte autorise un séjour d'une semaine par an à Rose House. Alors, pourquoi donc l'IA contacte-t-elle un jour le commissariat de police du district de China Lake pour apprendre à l'inspectrice Maritza Smith qu'un cadavre de trop se trouve maintenant dans ses murs ?
Le crime en lieu clos est l'un des arguments célèbres du genre policier ! Il s'agit de résoudre une énigme criminelle alors que la victime (ou les victimes) semblent avoir été frappées dans un endroit inaccessible aux suspects éventuels, et c'est tout à fait ce qu'il se produit dans Rose House : une maison réputée impénétrable, gardée en parfait état comme le mausolée qu'elle est par son intelligence artificielle embarquée. L'IA Rose House refuse tout contact avec le monde extérieur en dehors des limites qui lui sont imposées par sa programmation : outre la clause du testament dont il est question plus haut, y figure aussi une obligation légale de signaler tout meurtre dont elle aurait connaissance. De la même façon que les suspects les moins coopératifs ont une connaissance le plus souvent précise de leurs droits légaux - et s'offrent parfois l'assistance des meilleurs avocats pour dissimuler au mieux leurs secrets - la machine de Rose House a une excellente connaissance de sa propre programmation... et elle sait s'en tenir au strict nécessaire dans sa coopération avec les forces de police.

Qui l'inspectrice doit-elle suspecter dans ce crime ? Deux suspects semblent évidents : la professeure, bien qu'elle ait été à l'autre bout de la planète à l'heure supposée du crime... et la machine elle-même. Pour comprendre - pour résoudre l'affaire - il va falloir entrer dans la maison Rose House, et reconstituer la chronologie depuis l'intrusion de l'individu à présent changé en cadavre. C'est au moment où l'inspectrice entre dans la demeure "hantée" que le policier se met à confiner à l'horreur (laquelle étiquette a d'ailleurs tendance à mieux décrire ce livre que l'autre) : la machine se joue de toute évidence des protagonistes humains, comme si elle cherchait à se protéger elle-même, trouvant dans les interstices de sa programmation le moyen de se divertir en instillant la peur, et peut-être celui de tuer si nécessaire. Il y a en effet une raison pour laquelle Rose House inspire de la crainte à beaucoup de monde, et si certains au contraire cherchent à identifier sa singularité pour mieux la reproduire c'est plus par admiration mal placée pour son créateur décédé que par sagesse.

Rose House est court, étrange, et offre un aperçu atypique sur l'interaction entre l'IA et l'être humain. La machine s'y dévoile dans sa dangerosité insidieuse : lui laisser la possibilité de jouer avec les nerfs n'est pas une bonne idée - car au fond, y a-t-il meilleur moyen de stresser un être humain que de lui rappeler qu'il est mortel et que si on voulait, on pourrait ? A ce jeu, les personnages humains sont sûrs de perdre : la raison peut-être - et la vie, si Rose House le veut. Il est cependant regrettable que le texte soit lui-même peu conclusif : Rose House - le livre - sans être aussi monstrueux que la maison éponyme, finit par s'enferrer dans son étrangeté au point de ne pas résoudre tout à fait ses propres énigmes...

Ne manquez pas les avis de : le Maki, Célinedanaë, de l'Autre côté des livres, ...

Commentaires

Le Maki a dit…
Tout le monde semble rester sur sa faim avec cette novella.
Anudar a dit…
"Tout le monde", je ne sais pas, mais de toute évidence de plus en plus de monde oui. A tel point que je me demande quelles étaient les intentions de l'auteure.