Capitaine Albator tome 1 - Les doigts glacés de l'oubli

Il a déjà été question ici d'Albator - le capitaine corsaire - en plusieurs circonstances. Le personnage créé par Leiji Matsumoto, à l'histoire éditoriale aussi compliquée que l'histoire personnelle, revient ici en BD dans le cadre d'un projet nouveau puisque l'auteur aux manettes (stylo et pinceau) est un certain Jérôme Alquié - lequel, comme on peut s'en douter, n'est pas japonais : un mot de Leiji Matsumoto en quatrième de couverture permet de mieux comprendre la genèse particulière de cet album et de la trilogie qu'il ouvre...
Résumé : 
En l'an 2977, le gouvernement terrien corrompu néglige les avertissements de la communauté scientifique : une sphère noire qui s'est écrasée en plein cœur de la capitale est le premier signe d'une invasion imminente. Albator, capitaine de l'Arcadia et recherché par toutes les polices du système solaire, est le seul à comprendre la nature du danger. Lui et son équipages sont prêts à s'opposer aux Sylvidres, une espèce extraterrestre humanoïde qui a visité la Terre dans un passé reculé avant d'y revenir, leur monde natal étant devenu inhabitable. Pourtant, les signes se manifestent là où nul ne les aurait attendus : voici que le climat de la Terre change et se refroidit... Les Sylvidres en sont-elles bien responsables ? Ou bien une faction nouvelle et inconnue tirerait-elle les ficelles dans l'ombre ? Afin de protéger la Terre des Sylvidres comme de la médiocrité de ses gouvernants, Albator va devoir s'exposer en personne... et peut-être mettre au jour d'inquiétants secrets plus anciens même que les civilisations humaines...

On le sait, les univers de Leiji Matsumoto sont propices aux réinterprétations successives comme le montre bien la publication contrariée du manga Capitaine Albator. Jérôme Alquié revisite ici la première histoire d'Albator, celle qui raconte la guerre contre les Sylvidres, et adjoint au capitaine son équipage historique. Le trait de cet album combine les meilleurs éléments des choix graphiques de Matsumoto - personnages aux visages inhabituels, faits de fausses ressemblances voire de vraies difformités - avec les techniques du dessin à l'européenne. L'album a donc une apparence hybride fort intéressante, qui dénote une réflexion poussée de son auteur : il était de toute évidence désireux à la fois de rendre hommage à l'oeuvre du maître et de produire un objet original. Bien sûr, les couleurs "pétantes" s'éloignent de celles que les dessins animées avaient imprimées dans les mémoires - et elles différencient cet album du manga des années 70 puisqu'il était (bien sûr) en noir et blanc : si Albator en ressort moins énigmatique, il en apparaît aussi plus chaleureux et donc d'autant plus humain.

Dans son travail de réinterprétation, Jérôme Alquié a eu l'intelligence de réactualiser les questionnements de Leiji Matsumoto. Capitaine Albator donnait à voir une humanité lâche et veule, dirigée par un gouvernement d'incompétents et de minables, un peu comme si Matsumoto avait senti le vent de la soi-disant "révolution conservatrice" des années 80 qui a instauré le "laisser-faire" comme un slogan de progrès. Si le présent album ne manque pas de taper lui aussi sur la médiocrité du gouvernement terrien, celle-ci semble avoir pour objet cet étonnant refroidissement climatique lié à l'arrivée de Sylvidres. Compte-tenu de l'actualité climatique chargée, il est difficile de ne pas voir dans la désinvolture des dirigeants terriens de cet album quelque citation acide et pourtant de bon aloi ! Leiji Matsumoto parle de l'humanité dans son oeuvre, une humanité qu'il capture dans ses défauts mais aussi dans ses espoirs : ceci, Jérôme Alquié l'a bien compris - et cela lui a permis de produire un album qui augure bien de la suite...

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