Centaurus tome 5 : Terre de mort

Le cycle Centaurus de Leo, Rodolphe et Janjetov touche à sa fin avec ce cinquième tome au titre inquiétant...
Résumé : 
A bord du vaisseau, les préparatifs pour le débarquement s'intensifient : le message reçu depuis le sol de la fausse planète Vera est rassurant et il devient envisageable de s'y installer une bonne fois pour toutes. Pourtant, le gouverneur est inquiet. Yoko est introuvable et ses sabotages sont inexplicables : pourquoi donc a-t-elle tout fait pour dérouter le vaisseau ? A terre, les explorateurs qui connaissent eux la vraie nature du danger cherchent un moyen d'avertir leurs amis. L'entité prédatrice qui se cache dans les sous-sols de la verdoyante planète a transformé celle-ci en piège mortel : au moment où ses mâchoires commencent à se refermer, les derniers survivants de l'humanité trouveront-ils le moyen de s'en échapper ?
L'horreur était devenue plus sensible dans cette série à partir de son troisième tome : la situation précaire de l'humanité, dans cette histoire, la rend vulnérable aux pièges cosmiques et aux manipulations de toute sorte. Il s'agissait donc ici de débrouiller l'intrigue et de lui donner une profondeur aussi inquiétante que possible : dans cette histoire de vaisseau perdu dans l'espace infini, en quête d'un improbable foyer de remplacement - la Terre ayant été détruite par la bêtise humaine - il me semble détecter quelque lointaine influence de l'oeuvre de van Vogt. Dans La Faune de l'Espace - dont l'une des nouvelles devait elle-même servir de source d'inspiration au fameux Alien - van Vogt confrontait un équipage de scientifiques à des êtres extraterrestres toujours dangereux à un titre ou à un autre, et le plus souvent parce qu'ils avançaient masqués. La place de l'être humain dans l'univers, chez van Vogt comme dans Centaurus, est remise en question presque à chaque rencontre - laquelle fait prendre conscience à l'humanité de son statut insignifiant dans l'écologie universelle. Ainsi, à l'Anabis de van Vogt semble répondre la répugnante entité qui a élu domicile sous le sol de la planète piégée : dans les deux cas, l'être extraterrestre cherche à se répandre au-delà de son sol natal. Même des êtres plus avancés que l'humanité peuvent tomber dans le piège ou être submergés : ce n'est au fond que par chance et in extremis que les personnages humains de cette histoire auront le dessus.

Les quatre premiers albums de Centaurus laissaient entendre que cette série allait réinterpréter avec efficacité certains thèmes venus de la SF de l'âge d'or. Comme je le disais dans ma chronique du précédent volume, c'est le moment où l'auteur de SF doit dévoiler son jeu qui est souvent le plus dangereux pour l'oeuvre, car c'est celui où le lecteur peut cesser d'adhérer au schéma qui lui est proposé - par exemple parce qu'il le trouverait insuffisant. Hélas pour Centaurus, le dévoilement du jeu se passe mal : il s'avère en effet trop tardif dans le cycle pour éclairer tout à fait les questions internes à celui-ci. On comprend que l'introduction - tardive là encore - des extraterrestres humanoïdes ayant été les premières victimes de l'entité va servir sans doute à justifier un ou plusieurs nouveaux cycles puisque la dernière page de cet album annonce une "prochaine destination" intitulée Europa... La conclusion de Centaurus en apparaît donc bâclée, ne donnant même pas aux personnages une occasion de réfléchir à ce qu'il leur est arrivé. C'est ainsi que Centaurus en ressort à la fois trop longue et trop courte : cinq albums, dont les quatre premiers introduisent un cadre humain et environnemental rempli d'énigmes, et le dernier qui en quelque sorte manque à ses devoirs. La déception n'est pas sans évoquer celles que peuvent occasionner certains albums des Mondes d'Aldébaran... Parfois, le sense of wonder ne peut à lui seul venir au secours de la SF car il faut aussi que la construction de l'intrigue et le dévoilement de son contexte soient audacieux. De l'audace, de l'ambition et même du travail scénaristique : voilà ce qui a peut-être manqué à Centaurus.

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