The Witcher saison 1

Sortie depuis peu de temps sur le service de streaming auquel je suis abonné, cette série a fait un peu de bruit dans la blogoSFFFère et à la faveur des vacances de Noël, j'ai pris le temps de la regarder en famille...
Résumé : 
C'est une époque obscure où l'être humain n'a pas encore tout à fait assis sa domination sur le Continent : des Etats féodaux s'opposent entre eux en tolérant plus ou moins l'ingérence d'une Confrérie de magiciens... tout en gardant le souvenir de l'élimination presque totale des elfes, et la conscience des monstres qui s'en prennent parfois aux gens. Geralt de Riv est un Sorceleur, soit donc un mercenaire formé à l'élimination des créatures monstrueuses qui offusquent les royaumes humains. Au cours de ses pérégrinations à travers le Continent, sa route va croiser celle de Yennefer - la magicienne la plus douée de sa génération - et surtout en faire un proscrit à Cintra, le plus puissant des royaumes du Nord. Le destin est à l'oeuvre et malheur à celui qui essaierait de le tordre ou de lui échapper, car c'est l'ordre du monde lui-même qui pourrait en pâtir...
Depuis l'adaptation télévisuelle du Trône de Fer de G.R.R. Martin, l'ambiance mi-moyenâgeuse mi-fantastique des univers de Fantasy s'est faite plus familière au grand public. D'emblée, la comparaison entre The Witcher et Game of Thrones va s'imposer, au détriment de la première : moins de personnages, moins de points de vue, des paysages moins époustouflants et des décors moins réussis, des effets spéciaux moins impressionnants, des enjeux dans l'ensemble terre-à-terre pour ne pas dire triviaux puisque beaucoup d'épisodes s'intéressent au "monstre du jour"... Le grand public s'est fait exigeant et il s'attend à en prendre plein la vue lorsqu'on lui propose un Moyen-Âge fantasmatique ! Or The Witcher à l'ambiance plus intimiste que celle de sa grande aînée - pour ne pas dire par moments claustrophobique - ne joue pas dans la même catégorie : si cet univers paraît aussitôt familier (peu de choses ressemblent plus à une taverne qu'une autre taverne... et à un château qu'un autre château) ses personnages aussi donnent une impression de déjà-vu. Mercenaire énigmatique, magicienne ambiguë et princesse en fuite constituent en effet le noyau du casting et forment le centre de gravité autour duquel vont s'organiser les relations humaines qui décrivent cet univers : rien de nouveau sous les cieux plombés !

Mais ce qui singularise The Witcher, plus que ses choix graphiques et scénaristiques, c'est bien sûr sa narration inhabituelle à l'écran ! Game of Thrones proposait une chronologie narrative linéaire et même simpliste le long de la flèche du temps. Ici, deux puis trois fils d'intrigue s'entremêlent sans que le spectateur ne questionne - au moins dans un premier temps - leur caractère de simultanéité... puis peu à peu, par le jeu de l'accumulation des indices, il devient évident que les événements relatés ne sont en réalité pas concomitants. L'histoire de Yenefer, celle de Ciri et celle de Geralt se recoupent à des moments bien précis - lorsque l'irruption d'une guerre idéologique vient faire converger tous les fils d'intrigue et donc tous les destins. La guerre, dans The Witcher, n'est pas une fatalité comme elle peut l'être ailleurs en Fantasy : l'ennemi agit peut-être pour venger une humiliation, ou peut-être à cause de ses croyances politico-religieuses, mais quoi qu'il en soit il agit avec une férocité à même de le changer en menace existentielle. Qui est responsable au fond de l'horreur que représente Nilfgaard ? Est-ce Geralt qui sans y penser réclame une faveur jugée inacceptable par la puissante reine de Cintra ? Est-ce la reine Calanthe qui tente par deux fois de s'opposer aux lois du destin ? Est-ce Yennefer qui, cherchant à dépasser la condition qui lui était offerte, force par pur hybris une autre à occuper la place qui lui revenait ?

Le sous-titre de cette série proclame que les pires monstres sont ceux que l'on crée. En effet, The Witcher donne à voir beaucoup de monstres dont un bon nombre ont une apparence humaine : si tous les personnages humains sont imparfaits - par essence pourrait-on dire - tous ne sont pas voués à devenir monstrueux. En explorant les conditions de cette transformation, The Witcher questionne la frontière ténue entre l'humain et l'inhumain : dans son univers hostile, certains tuent les monstres alors que d'autres en créent - tout comme la magie créatrice y est toujours liée à une destruction. Malgré ses faiblesses, The Witcher propose donc un spectacle beaucoup plus intéressant qu'il y paraît à première vue, ses concepts prenant peu à peu leur sens et même leur profondeur. Il est certain que je m'intéresserai à sa suite : la Fantasy "sale" a beau tenir ces derniers temps du lieu commun, l'intelligence de celle-ci est particulière et mérite le détour !

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