Nuage Orbital

La revue Bifrost m'a confié la lecture de ce livre afin d'en produire une chronique : il est temps maintenant de la republier sur mon blog.
Résumé : 
Kazumi est le webmestre de Meteor News, un site d'actualités astronomiques destiné aux chasseurs d'étoiles filantes. Il est assisté par Akari, ingénieure informaticienne de toute première force qui sait mettre en oeuvre les solutions aux problèmes avant même qu'il ne découvre leur existence... De l'astronome amateur un peu rêveur mais capable de visualiser de tête les mouvements des débris spatiaux à même de se transformer en étoiles filantes et de la technicienne surdouée, aucun ne sait encore que leur quotidien anodin va se retrouver mêlé à un complot international. A Téhéran, un ingénieur en astronautique a théorisé la longe spatiale, une technologie promettant de révolutionner l'utilisation des orbites autour de la Terre... et un transfuge de l'Agence japonaise de l'espace entré au service de la Corée du Nord a militarisé cette invention. Qui contrôle la longe spatiale maintenant transformée en arme ? Quelles sont ses véritables intentions ? Et surtout... Kazumi et Akari trouveront-ils le moyen d'épargner une catastrophe orbitale à la Terre toute entière ?
L’innovation consiste à concevoir un outil plus efficace, moins fatigant à utiliser mais aussi moins coûteux à fabriquer : de la hache de pierre à la tronçonneuse, l’ingénierie a ainsi permis l’amélioration continue du rendement des bûcherons. La course à l’espace ne fait pas exception même si son histoire est bien plus récente : on sait maintenant positionner en orbite maints satellites artificiels dont certains - raffinement suprême - sont habités. La technologie permettant de réaliser ces exploits est à présent éprouvée, mais elle reste si dispendieuse qu’elle est de facto réservée aux nations les plus industrialisées - quand ce n’est pas à l’initiative privée la plus riche. Taiyô Fuji pointe avec justesse dans Nuage Orbital toute l’injustice impliquée par cet état des choses qui laisse sur la touche bon nombre de nations dont les ingénieurs, pourtant, ne déméritent pas dans la course à l’innovation : d’un côté se trouvent les nations industrialisées dont les techniciens spatiaux disposent d’ordinateurs à la puissance de calcul incomparable - le roman rappelle que le NORAD, chargé de la surveillance aérospatiale de l’Amérique du Nord, distrait une partie de ses ressources humaines et informatiques pour suivre l’itinéraire du Père Noël chaque soir de 24 décembre - alors que de l’autre se trouvent des gens qui doivent parfois recourir au bricolage, au matériel hors d’âge et même au calcul manuel pour suivre la dynamique orbitale. Tout Nuage Orbital repose par conséquent sur une hypothèse science-fictive très intéressante : est-il possible, pour un ingénieur assez futé, de dépasser le handicap que représente une assistance informatique inférieure à celle de ses compétiteurs ? En d’autres termes, l’informatisation à outrance n’entraîne-t-elle pas une réduction de l’innovation technique puisqu'elle conduit les ingénieurs à oublier leur créativité une fois le confort calculatoire acquis pour de bon ?

Les idées de Nuage Orbital sont de toute évidence conçues pour captiver le lecteur qu’intéressent ingénierie, espace et SF de progrès. Situé dans un futur proche, ce livre propose une réflexion sur le statut de l’innovation, qu’il calque sur un thriller politico-scientifique aux ramifications internationales où les intérêts des grands joueurs sur l’échiquier spatial s’opposent à ceux de leurs challengers. Kazumi et Akari, travaillant tous deux au sein d’une start-up vouée au suivi amateur des innombrables déchets spatiaux susceptibles de se changer en étoiles filantes, sont eux-mêmes des bricoleurs qui mettent par hasard au jour un complot international impliquant une technologie nouvelle : militarisée, celle-ci permet de détruire au moindre coût les satellites des grandes puissances. L’enjeu de la confrontation qui se préfigure, pour ceux qui se proposent de renverser la table, est de faire sortir un nouvel ordre spatial du chaos qui s’ensuivra. Comme on peut s’y attendre, la solution que l’équipe constituée autour de Kazumi et d’Akari mettra en œuvre au profit des grandes puissances - USA en tête - ne pourra venir d’un nouvel excès de puissance de calcul mais plutôt d’un bricolage, et en ce sens Nuage Orbital peut bel et bien se lire comme une ode permanente à la créativité en ingénierie : on aurait donc préféré que sa démonstration, louable, soit servie par un propos moins bavard… On aurait surtout apprécié que certains de ses personnages soient moins interchangeables, soient moins stéréotypés aussi, et qu’ils soient en tout cas plus attachants. Si aucun de ces défauts n’est tout à fait rédhibitoire, il n’empêche qu’ils interdisent à Nuage Orbital d’atteindre le rang de grand livre que son argument aurait dû lui valoir. Dommage !

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