Les 7 Pierres de l'espace
Depuis que le Bélial' a eu la bonne idée d'enfin proposer une traduction de la série Capitaine Futur d'Edmond Hamilton, j'ai plaisir à retrouver tous les ans une nouvelle itération de ce fameux space-opera de l'Âge d'Or !
Résumé :
Le secret de Thuro Thuun, savant martien mort deux cent mille années plus tôt, était réputé dissimulé dans sept pierres disparues depuis une éternité. Aussi, quand Kenneth Lester identifie l'une d'entre elles, il sait qu'il détient un fragment d'un secret aussi extraordinaire que terrifiant et décide alors de le confier au Capitaine Futur. L'intervention de l'inquiétant Docteur Ul Quorn rebat toutefois les cartes : le sinistre personnage, après avoir éliminé Lester, se met à chercher les pierres manquantes... La partie que va devoir jouer le Capitaine Futur s'annonce plus dangereuse que jamais, car Ul Quorn est un adversaire d'autant plus redoutable qu'il a un compte personnel à régler avec les Futuristes ! Ceux-ci pourront-ils rassembler avant lui les sept Pierres de l'espace ? Même le destin du Système Solaire pourrait n'être qu'une partie de l'enjeu...
Le Capitaine Futur a souvent été confronté, dans ses précédentes aventures, à des mystificateurs qui dévoyaient la science pour leur propre intérêt. Chacun d'entre eux était bientôt mis en échec par le génie et le talent super-héroïque des Futuristes : les méchants apparaissaient le plus souvent moins fiables que trop confiants, et leur déconfiture finissait donc par être attendue. Les super-héros, lorsqu'ils s'en prennent aux criminels ordinaires, finissent par lasser : les super-capacités, c'est bien, mais c'est du gâchis de ne s'en servir que contre le malfrat de l'épisode... Je disais, dans ma chronique du précédent volume, que ce qu'il manquait au Capitaine Futur c'était sans doute un opposant à sa mesure - ou peut-être une coalition de super-vilains. Il semble que Edmond Hamilton ait fini par percevoir ce danger... puisqu'il oppose ici à Curtis Newton rien de moins qu'un adversaire digne de ce nom car non content d'être présenté comme un savant dévoyé, Ul Quorn se montre assez rusé pour opérer au grand jour - sous la couverture d'un spectacle de phénomènes qui constituent sa garde rapprochée - tout en maintenant des liens avec une société secrète et en entretenant pour le Capitaine Futur la haine que l'on peut éprouver pour un ennemi héréditaire ! Ce personnage est donc promis à la récurrence : on s'attend bien sûr à ce que les Futuristes l'emportent - mais on s'attend aussi à ce qu'il ne lâche pas le morceau et revienne à la charge tôt ou tard.
De fait, le Capitaine Futur est ici mis en danger plus souvent que dans les épisodes précédents. Il s'agit bel et bien, pour Hamilton, de montrer que son personnage - pour la première fois - est confronté à un ennemi à sa mesure. La chance vient donc jouer son rôle dans l'intrigue, et non le seul talent des Futuristes : c'est par chance que parfois l'un ou l'autre des personnages positifs parvient à se tirer d'affaire et donc à résoudre le problème final... et si le talent du Capitaine Futur vient toujours le soutenir au bon moment il n'est pas certain qu'il puisse toujours suffire... comme le signale cette scène étrange où Hamilton décrit les funérailles de son personnage ! Si le méchant dispose d'alliés précieux, il faudra bel et bien que Curtis Newton fasse appel aux siens. Les trois autres Futuristes vont être appelés à jouer eux aussi des rôles qui dépendent de leurs propres talents, sans pour autant toujours passer inaperçus ; les "simples humains" que sont Joan et Ezra eux aussi auront à intervenir, le plus souvent par l'intermédiaire de leurs qualités humaines... En effet, la vieille controverse qui oppose le robot Grag et l'androïde Otho est un rappel constant de ce que chaque membre du quatuor (complété par Simon, le cerveau en bocal) n'est pas tout à fait humain : Curtis Newton ayant grandi élevé par des intelligences artificielles, sa propre humanité peut sembler discutable - et si ses exploits n'en font pas une Mary-Sue, c'est bel et bien pour cette raison.
La richesse de ce roman ne se résume pas à la solidité de l'opposition entre le Capitaine Futur et son antagoniste : évoquant l'existence de métis entre les différentes espèces humanoïdes qui se partagent le système solaire et le rejet qui leur est associé, Hamilton esquisse un futur pas aussi harmonieux qu'on l'imaginait jusqu'alors. Les noirs desseins des méchants ne sont peut-être pas tous issus de leur seul hybris, car certains proviennent de vieilles rancœurs dont ils ne sont pas responsables. Si le manichéisme de l'oeuvre est toujours aussi marqué, il ne s'en adoucit pas moins d'éléments au contraste pas aussi net, et c'est louable pour un texte aussi ancien... Bravo !
Commentaires