Les Finalistes du Prix Rosny Aîné 2018

Comme l'année précédente, j'ai lu à retardement (hélas, car du coup je n'ai pas voté) les nouvelles finalistes pour le Prix Rosny Aîné 2018, qui était remis à la Convention Nationale de SF d'Amiens.

Au menu de cet opuscule :
  • Comme un têtard dans l'eau d'Andréa Deslac : Etienne a des passions d'enfant de son âge, puisqu'il aime les jeux vidéo, apprécie élever un têtard dans un bocal et s'apprête à sortir avec ses amis. A ceci près que les jeux vidéo sont immersifs, que son père vit dans une combinaison destinée à traiter son cancer généralisé lié à la pollution galopante, que certains de ses amis ne semblent plus tout à fait humains et que son têtard a deux têtes... C'est un monde où tout va mal, selon nos critères à nous, mais où tout va bien pour ses habitants qui n'oublient toutefois pas à quoi ressemblait ce monde avant que l'industrie ne le fasse dérailler pour de bon. L'intention est intéressante mais on ne sait trop s'il faut y voir de l'ironie et de l'humour noir, ou plutôt un optimisme plus forcené encore que le mien...
  • Vert Céladon de Loïc Henry, qui a remporté le Prix : Santxo a été envoyé par le Vatican sur Balafenn où doit se produire une "occurrence" : une manifestation d'une réalité d'ordre supérieur, que les religions (organisées ou non) recherchent avec autant d'intérêt que les scientifiques. Urdin, qui vit sur Balafenn, possède un sens très inhabituel qui lui permet de calquer des couleurs sur les émotions de ses vis-à-vis, sur leurs intentions et même sur l'ambiance de l'instant. Sauront-ils découvrir l'occurrence ? Et le cas échéant, quel message portera-t-elle ? Au premier abord, cette nouvelle m'a paru intrigante mais pas tout à fait compréhensible. Il m'a fallu y revenir un peu plus tard pour en saisir un peu mieux le sens. Vert Céladon est d'une profondeur et d'une ambition étonnantes, malgré son temps fictionnel restreint : je n'aurais sans doute pas voté pour elle au terme de ma première lecture, mais je peux comprendre - après l'avoir à nouveau explorée - pour quelle raison elle a remporté le Prix. Bravo !
  • Ophélia de Grégoire Kenner : un vaisseau revient sur Terre depuis un système stellaire lointain. A son bord, un seul survivant de l'expédition sur Bêta Pictoris... accompagné par une créature extraterrestre humanoïde à la peau bleue - qui se met bientôt à s'exprimer en poésie. Que s'est-il passé là-bas ? La créature est-elle un danger terrifiant pour l'espèce humaine ? Seul Francis Sawdon, spécialiste de la poésie en prose du début du XXème siècle, semble à même de percer le mystère... Cela commence d'une façon très intrigante, cela se poursuit avec une tension qui s'amplifie puis cela se conclut par une résolution inattendue. L'ensemble est tout à fait herbertien : avec Vert Céladon, c'est pour moi l'une des meilleures nouvelles du recueil, bravo !
  • Terminateur de Laurence Suhner : sur Trappist-1e, alias Nuwa, les colons tout juste arrivés ont commencé à vivre sur la ligne crépusculaire, à la frontière entre le jour et la nuit perpétuels, où les conditions environnementales sont acceptables pour l'être humain. Alors que la première génération commence à s'éteindre, le temps de l'émerveillement face à un monde et à un système solaire différents du berceau de l'humanité n'est pas encore terminé... Voici une courte et brillante nouvelle que l'on aimerait volontiers voir prolongée par un roman tout entier ! C'est ambitieux et c'est beau, tout en étant fascinant. Bravo encore !
  • Isaac de Pierre Brulhet : l'Europe et le monde sont en ruines. Les machines sont en train de gagner la guerre contre l'humanité, qui se réfugie dans de rares zones encore à l'écart des noyaux de civilisation robotique. Sur la frontière, des sentinelles sont témoins d'événements troublants et décident d'aller mener enquête sur place, au risque de leurs vies... La fin de cette nouvelle est intéressante, et chargée en humour noir... mais comme d'habitude, je n'aime guère les contextes post-apocalyptiques : je n'aurais donc pas voté pour ce texte.
Le choix des textes était riche et varié : il m'aurait été difficile de formuler un vote entre Vert Céladon, Ophélia et Terminateur. Bravo donc à Loïc Henry, et bravo néanmoins aussi aux autres concurrents, car aucun n'a démérité !

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