Alix Senator tome 7 : La puissance et l'éternité

Toujours la série Alix Senator de Valérie Mangin et Thierry Démarez : véritable séquelle des Aventures d'Alix de Jacques Martin, elle permet à son lecteur de retrouver un Alix vieilli, devenu Sénateur alors que son ami Octave est devenu Auguste, aux prises non plus avec les intrigues de la République finissante mais bel et bien avec celles de l'Empire naissant...
Résumé : 
A Rome, Titus est inconsolable : ne vient-il pas, au côté d'Auguste lui-même, de participer aux funérailles de son père Alix ? Mais l'urne qu'il vient de déposer dans le tombeau est vide : le corps de son père est soi-disant resté en Egypte... Ce que Titus ne sait pas, c'est qu'en réalité ni Alix ni son frère adoptif Kephren ne sont morts : capturés par le préfet Barbarus qui sert Livie, la vénéneuse épouse de l'Empereur, ils ont été ramenés à Rome en toute discrétion. C'est que Livie n'a pas renoncé à mettre la main sur la statue d'orichalque de Cybèle, qu'Octave avait autrefois retirée à son temple égyptien : elle sait qu'Alix pourrait se révéler être une monnaie d'échange très intéressante dans la négociation qui se prépare. Mais pour Kephren, enfermé avec Alix dans son propre tombeau, la folie guette... Seront-ils extraits à temps de leur atroce prison ? Livie deviendra-t-elle l'élue de Cybèle ?
Dans la série de Jacques Martin, la mort n'était pas tout à fait définitive et bon nombre de personnages - le plus souvent des ennemis - en faisaient l'expérience pour malgré tout revenir quelques albums plus tard : ainsi Arbacès, le Grec rusé aux complots duquel Alix s'est opposé dans tous les coins de l'écoumène, est-il mort un nombre incalculable de fois pour toutefois revenir à la première occasion plus fringant que jamais. Il n'est donc pas étonnant de voir ici Enak - donné pour mort à la fin de l'album précédent - faire sa réapparition dans les toutes premières pages : après tout, les héros ont beau avoir vieilli, la chance leur sourit encore et toujours - et le hasard fait bien les choses. Ainsi le quatuor, malgré les tensions qui le déchirent, aura-t-il encore une fois l'occasion de se rassembler même si la couverture laisse à penser que des circonstances tragiques risquent de présider à ce rassemblement.

La dimension familiale de la vie antique était le plus souvent laissée de côté par la série originelle : ici, en donnant aux héros une descendance, les auteurs s'offrent la possibilité de compliquer les relations qui les unissent. Dans cet album par ailleurs si cruel, Titus va faire enfin la connaissance de sa mère et la réunion du noyau familial d'Alix adoucira un peu l'amertume des dernières images. La relation contrariée entre Auguste et Livie - laquelle relation prospère sur les alliances précaires conclues à la fin de la République - est un modèle de couple dysfonctionnel, et ce d'autant plus que s'y superpose la rivalité de deux cultes à mystères distincts, celui de Cybèle et celui d'Isis. Les auteurs font ici de Livie une fidèle de la Grande Mère, dont le culte inquiétant venu d'Asie Mineure semble attendre un(e) élu(e) alors qu'Auguste est quant à lui décrit comme attaché à celui, plus bénin, qui est voué à l'épouse d'Osiris. Derrière cet antagonisme au plus haut niveau de l'Etat se noue peut-être toute la tragédie d'un peuple superstitieux au point d'accueillir presque tous les cultes étrangers : au fond, les Romains comprenaient-ils toujours le sens profond des religions qu'ils importaient sans limites ?

La fiction historique, dans les Aventures d'Alix, était parfois étayée par un réalisme fantastique plus ou moins discret : pouvoirs parapsychologiques, métaux mystérieux et guérisons miraculeuses... La castration de Kephren dans le cinquième album m'avait tout de suite fait penser à la statue qui apparaît dans Le dieu sauvage : le lecteur assidu le sait, il existe quelque part dans ce monde un moyen pour Kephren de recouvrer sa virilité. Sa quête éperdue et désespérée de la statue de Cybèle témoigne donc d'une foi qui n'est pas tout à fait une folie, et de par le fait le jeune homme finira-t-il par découvrir l'objet de ses recherches. L'aspect monstrueux de la statue, et l'allusion répétée à son caractère de relique d'un monde de géants à présent disparus contribue alors à faire sortir l'album du cadre attendu : cette Antiquité-là est faite de mystères dont tous ne sont pas humains... C'est donc à tous points de vue très audacieux, et c'est fort bienvenu !

N'hésitant donc pas à jouer avec les schémas de la série, cet album se révèle mieux que très bien réussi : mission accomplie pour les auteurs, dont j'attends la prochaine livraison avec impatience !

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