Morts à crédits

La dernière nouvelle de l'Anthologie officielle des Utopiales 2018 est signée Jehanne Rousseau, une auteure dont je n'avais encore jamais entendu parler (c'est fréquent et ce n'est jamais un problème).
Résumé : 
L'Elfe, le Charpentier, le Prince : trois individus que tout sépare - leurs vies, leurs conditions, leurs craintes et jusqu'à leurs morts... mais qui partagent néanmoins un point commun : celui d'avoir été à chaque fois ramenés à la vie et condamnés à reprendre leur tâche au point où ils venaient d'en mourir ! Sont-ils piégés dans quelque enfer digne de la punition de Sisyphe ? Ou bien quelque entité d'ordre supérieur contrôle-t-elle leurs nombreuses vies ?
On devine tôt, dans le temps fictionnel de cette nouvelle, que les personnages ne sont autres que des créatures de jeu vidéo : le Mario de Donkey Kong, l'acrobate princier de Prince of Persia et un Elfe fils de Bhaal dans Baldur's Gate (il m'a fallu rechercher la référence car je ne connaissais pas l'univers de ce jeu). Les vies qui s'égrènent correspondent à celles que l'on perd au cours d'une partie : pour le joueur, la perte d'une chance est frustrante - mais si le personnage était conscient, il éprouverait à chaque fois une terreur sourde... surtout dans la mesure où le but est perçu comme inaccessible ou même, ce qui est pire, illusoire ! Après tout, y a-t-il pire récompense quand on finit un jeu vidéo que de se voir proposer une seconde partie... plus difficile encore que celle sur laquelle on vient parfois de suer sang et eau ?

Le jeu vidéo, à tout âge, est l'occasion pour le joueur de s'immerger dans un univers différent et dont la physique n'a parfois rien à voir avec celle dont il fait l'expérience quotidienne. Le personnage se change alors en véritable avatar avec lequel un dialogue s'engage... Le joueur contrôle en effet ses mouvements mais éprouve à sa place le contentement ou la frustration qui découlent de son destin : on sent que l'histoire qui est racontée ici a été imaginée, peut-être fantasmée, de nombreuses fois au cours de longues années de jeu - et que les personnages qui se plaignent d'avoir été malmenés parfois sans succès ont été en réalité beaucoup aimés ! C'est parce que chaque joueur peut se reconnaître dans l'expérience qui est racontée ici - ou reconnaître une expérience proche - que cette nouvelle fait sourire.... Merci !

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