Dune roman graphique tome 2

Il y a près de deux ans, je parlais ici du premier volume de l'adaptation de Dune en BD ! Avec la sortie du second tome paru il y a quelques semaines, le moment est venu de réfléchir à nouveau à cette adaptation : mon espoir, en effet, est de la voir ouvrir un nouveau chemin vers Dune...
Résumé : 
L'impossible est arrivé. Le Duc Leto Atréides est mort, ses soldats pourchassés comme des bêtes par les Harkonnen soutenus par les Sardaukar impériaux, et son fils Paul en fuite avec sa mère Jessica. L'Empereur le veut : aucun membre de la Maison des Atréides ne doit survivre, et ceux qui les aideront seront châtiés... Le seul abri de Paul et de Jessica se trouvera peut-être au fin fond du désert, auprès des nomades Fremen qui refusent les lois de l'Imperium : seront-ils acceptés sans qu'il y ait un prix à payer ? Quels risques la Maison des Atréides va-t-elle encourir à lier son destin à celui des Fremen et à leur foi si fanatique ? Et quels risques Paul fera-t-il courir à l'humanité toute entière s'il reconquiert Arrakis ?
Volume central de cette adaptation, une responsabilité particulière pèse sur ce tome 2 qui s'intéresse au second volet du livre - à savoir celui où la sinistre leçon de Dune commence à être administrée. Avec la mort de Leto et la fuite au désert, l'enfance de Paul prend fin : le voici contraint à endosser de façon prématurée son rang de chef de Maison, à se changer en fuyard... et à planifier sa vengeance. Or, le personnage traumatisé n'est pas n'importe quel héritier : il dispose de dons qui conduisent les Fremen à le reconnaître comme une figure prophétique, et lui permettent par conséquent d'exciter leur souhait de libération. Voici un cocktail bien détonnant, et Paul en est conscient puisqu'il le souffle au lecteur : il ne sait pas dans quelle mesure l'instrument sur lequel il désire mettre la main ne dispose pas de sa volonté propre, à laquelle il pourrait avoir à obéir lui-même avant la fin.

Les principes narratifs soulignés dans ma précédente chronique sont conservés dans ce volume, déployés pour servir le fil d'intrigue évoqué juste avant, et je n'y reviendrai pas : il suffira de rappeler que cette adaptation a cherché à reprendre certains éléments d'exposition caractéristiques du texte herbertien, à l'aide des outils communs de la bande-dessinée, avec un certain succès. L'état d'esprit des personnages - leurs émotions mais aussi leurs hésitations, quand ce n'est pas leur frustration - est ainsi transparent pour le lecteur, qui commence à établir des connexions entre eux. Au vert de Paul Atréides s'oppose le rouge de Feyd-Rautha Harkonnen, au moment même où les deux personnages livrent en parallèle un duel à mort ; l'orange de Jessica vient rappeler d'autres tons de couleurs qui évoquent son ascendance. L'ensemble vient par conséquent servir le texte avec une certaine intelligence, et c'est un plaisir de le redécouvrir ainsi. Le dessin, s'il peut paraître classique, s'appuie sur des choix de couleurs toujours pertinents. La couverture en dit assez long : aux couleurs de cette Arrakis, on devine qu'elle est violente et presque sortie d'un cauchemar. Le pire, pourtant, se trame dans les cavernes des Fremen : obscures par nature, la lumière chiche n'y révèle jamais que le trépied qui soutient le quotidien de ce peuple farouche - à savoir, la mort, les rites et le destin... Il est presque facile, quand on lit Dune, d'oublier entre deux scènes de tension à quel point l'histoire que nous raconte Frank Herbert est terrible : ici, les choix graphiques rendent cet oubli impossible.

Si un échec final est toujours possible, je crois que cette suite l'éloigne un peu plus du champ des possibles. A ce stade, Dune roman graphique s'avère donc être une adaptation très réussie.

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