Le Sauveur

De Nancy Kress je n'ai pour le moment chroniqué que des textes courts et ce sera encore le cas ici, à travers cette nouvelle tirée du recueil Danses aériennes intitulée Le Sauveur. Impliquant une intrigue extraterrestre, il se qualifie par ailleurs à ma nouvelle participation au challenge estival du RSFblog : cette chronique tient donc de premier mouvement pour mon entrée en compétition...
Résumé :
En 2007, l'objet venu de l'espace a fait son arrivée sur Terre. Il s'est implanté dans le sol du Minnesota et se révèle depuis tout à fait inactif. Autour de lui, la civilisation va bafouiller, s'effondrer une fois sous l'effet de la pollution et de la dégénérescence de l'espèce humaine, puis se reconstruire avec lenteur mais détermination. Que contiennent les flancs impénétrables de l'objet ? Qu'attend-il de la Terre et de ses habitants ?
Même si l'intrigue extraterrestre est en apparence limitée, l'histoire du Sauveur est sans conteste possible d'envergure interstellaire. Voici un artefact étranger, issu d'une technologie beaucoup plus avancée que celle de l'espèce humaine, qui débarque sans crier gare, et qui se révèle incompréhensible à tel point qu'au fur et à mesure que les années passent les protagonistes ne cessent de l'oublier puis de le redécouvrir - le prenant tour à tour pour un messager d'outre-espace, comme l'émanation d'une divinité puis comme un objet de recherches. Bien sûr, toutes ces interprétations seront fausses : l'objet impénétrable ne s'intéresse pas tant à la Terre ou à l'espèce humaine qu'à ce qu'elles peuvent engendrer. La révélation finale témoigne d'une ambition vertigineuse : au fond, les milliards d'années d'évolution biologique puis les millénaires d'évolution culturelle de l'espèce humaine ne sont considérées, depuis la constellation de Cassiopée, que comme les étapes nécessaires d'un jeu dont l'objet doit récolter la mise.

Et l'espèce humaine, dans tout ceci ? Larguée, la plupart du temps, ou en tout cas dépassée, puisque l'évolution biologique n'est plus à la mode : après l'Effondrement, les noyaux de civilisation de chacun des deux côtés du Pacifique s'organisent autour de deux axes philosophiques bien distincts. Aux Etats-Unis reconstitués, la maîtrise de la biologie moléculaire la plus avancée, qui permet entre autres de produire des êtres humains augmentés par la génétique ; à la Chine qui a survécu et a même su entrer dans un nouvel âge de prospérité, la robotique et plus tard l'intelligence artificielle. La synergie entre les deux préfigure bel et bien une singularité : au jeu d'essais et d'erreurs qui amène plusieurs fois l'espèce humaine au bord du gouffre, les générations successives progressent sans le savoir en direction de la convergence NBIC.

L'ambition de cette nouvelle, je le disais plus tôt, est vertigineuse. Sans en avoir l'air, l'auteure nous raconte ici un space-opera très atypique et pourtant cosmique dans ses dimensions : quelle est la place de l'être humain dans la vaste écologie culturelle de l'Univers... si tant est qu'il en ait une ?

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