Le Triomphe


Le Capitaine Futur : une série de space-opera de l'Âge d'Or, signée par Edmond Hamilton, qui est restée non traduite en français pendant bien trop d'années. Le Bélial' a eu le bon goût il y a deux ans de s'engager dans le beau projet qui consiste à le faire traduire (par Pierre-Paul Durastanti) et à l'éditer pour le mettre enfin à disposition du public francophone. A raison d'un volume par an à peu près, c'est l'occasion de (re)découvrir une SF à la saveur différente : celle d'un passé pas assez éloigné pour qu'on l'ait tout à fait oublié...
Résumé : 
C'est la panique dans le système solaire : une mafia vend sous le manteau un élixir d'immortalité aux plus crédules... avant de leur révéler qu'ils devront désormais consommer le produit sans arrêt, sous peine d'un vieillissement et d'une mort accélérés ! Le gouvernement interplanétaire est impuissant : les personnes assez désespérées par l'avancement de leur âge ne croient pas aux avertissements, préférant savourer le retour illusoire à la jeunesse et se livrent ainsi corps et âme au sinistre syndicat du rajeunissement... Une fois de plus, les dirigeants de la Terre doivent appeler le Capitaine Futur à la rescousse : pour contrecarrer les plans du Seigneur de la vie, le sorcier de la science et son équipage devront partir sur la trace de la mythique Fontaine de Jouvence. L'ennemi se révèle assez retors pour brouiller les pistes : où trouver la source de l'élixir du mal ? Et surtout... comment ?
Quand plus rien ne va dans le système solaire, pas d'angoisse : il suffit d'appeler le Capitaine Futur. Face à un problème insoluble, quand un adversaire ignoble vous fait chanter, oubliez tous vos soucis : le Capitaine Futur saura quoi faire et vous n'aurez qu'à le regarder aplanir vos difficultés. La plupart de mes précédentes chroniques relevaient le caractère super-héroïque du personnage : redresseur de torts, enquêteur hors pair, à la moralité indiscutable... au fond, Curtis Newton est plus qu'un personnage, c'est un archétype voire même un modèle. Tous les autres personnages, dans ce récit, se révèlent dans leur simple humanité : les gentils sont faillibles ou peu compétents, alors que les méchants sont cruels mais pas assez malins pour l'emporter. Le schéma de l'histoire se fait quelque peu répétitif, même si l'argument et les péripéties se renouvellent d'un épisode à l'autre : on ne s'ennuie pas - on n'a pas le temps, à vrai dire... - mais on n'est pas aussi captivé au bout de quatre volumes qu'on ne l'était au terme du premier. Le Capitaine Futur finira-t-il par lasser ?

Le problème ne vient en réalité pas de la structure de l'oeuvre ni même de son âge : il vient de l'opposition au Capitaine Futur. Celui-ci possède plusieurs alliés aux talents indispensables à ses propres succès : les Futuristes bien sûr (Grag à la force brute, Otho le change-forme et Simon le cerveau) et les simples humains sur une orbite plus lointaine (Joan et Ezra). Chacun de ces personnages est récurrent et possède sa propre personnalité ainsi que ses talents qui donnent envie de le retrouver d'un épisode à l'autre... et rappellent que les héros ne sont jamais tout à fait seuls face à l'adversité. Les ennemis, quant à eux, sont monolithiques : ce sont des organisations pyramidales dont le chef se dissimule derrière des masques de carnaval, des avatars effrayants, des titres pompeux et des sbires mal dégrossis qui n'ont le plus souvent pas le droit à une identité réelle au-delà de leur origine planétaire... Les méchants étant toujours seuls en quelque sorte face au Capitaine Futur et à ses puissants alliés, ne sont-ils pas dès le départ condamnés à échouer ? Au fond, ne manque-t-il pas à Futur un antagoniste récurrent... ou une alliance de super-vilains pour mieux brouiller les pistes ?

Reste que, malgré les répétitions, ce volume plonge son lecteur dans le sense of wonder le plus débridé. Civilisations éteintes aux reliques énigmatiques, espèces extraterrestres inconnues, et le paysage infini des plaines de Saturne dont certaines régions restent impénétrables - hostiles à la vie animale car peuplées de champignons agressifs... ou interdites par des nuées ne laissant pas repartir les explorateurs assez intrépides pour les pénétrer : le système solaire que dépeint Hamilton reste en grande partie inconnu car peu ou mal exploré. La connaissance que recherche le Capitaine Futur se trouve donc parfois bel et bien dans les mythes et les récits de taverne, un peu comme ces contes de marins qui distillaient une vérité plus ou moins diluée dans le fantasme. Chaque planète est une île dans l'océan cosmique, avec ses mystères et ses merveilles - et le vaisseau des Futuristes est le meilleur engin qui existe pour faire le tour du système solaire. Pour cela, on doit être encore et toujours reconnaissant à Edmond Hamilton : il a su, avec un talent consommé, faire des autres planètes le terreau fertile de notre imaginaire...

Commentaires

Gauvain a dit…
Les quelques lecteurs de ma génération auront bien sûr reconnu dans ce résumé la figure du Capitaine Flam.

Cette ré-édition de l'œuvre originelle est une excellente nouvelle.
Anudar a dit…
On reconnaît bien entendu le Capitaine Flam entre les lignes de ce "Capitaine Futur". A moins qu'il ne s'agisse du contraire... ;)