Les chants de Nüying - Emilie Querbalec

D'Emilie Querbalec, j'ai déjà parlé ici au sujet de son Quitter les monts d'Automne. Ce livre lui permet de revenir dans nos piles à lire, avec à nouveau un space-opera.
Résumé : 
Brume vient rendre visite à son père, une dernière fois avant le grand départ vers la Lune - qui précédera de peu celui vers Nüying, un monde lointain où une mission inhabitée a retransmis des sons évoquant la présence d'une vie intelligente. Pour Jonathan Wei, le riche organisateur du voyage interstellaire, il s'agit d'une quête spirituelle et personnelle vers une illumination peut-être assistée par la technologie - mais pour Brume, sélectionnée pour ses travaux sur l'intelligence des cétacés, ce qui compte c'est la prise de contact avec les êtres qui vivent peut-être sous la glace des océans de Nüying... Les deux objectifs resteront-ils toujours compatibles, surtout au terme d'un voyage de vingt-cinq ans ?
Les questions de communication semblent passionner l'auteure de ce livre, puisqu'elles se trouvaient déjà au cœur du précédent (on rappellera que Quitter les monts d'Automne se déroule dans un univers où toute forme d'écriture a été proscrite). Il est ici question à nouveau de communication au sens large, à savoir, de l'échange d'informations par l'intermédiaire d'un médium - qu'il s'agisse de la voix, de l'interfaçage informatique ou même du langage non verbal. Communication fait communauté : le discours spirituel de certains personnages contribue à cimenter leur appartenance à un groupe, en excluant de fait ceux qui ne le pratiquent pas. Communauté fait communion : aux liens de la biologie et de la société se substituent ceux de la religion, et donc ceux de la confiance accordée à un leader choisi parfois pour d'étranges raisons. C'est ainsi que le vaisseau interstellaire, démontable, proclame dès sa conception le danger existentiel qui pèse sur l'échantillon d'humanité choisi pour le long voyage... car parfois, aux désaccords intellectuels se superposent des conflits redoutables surtout lorsqu'ils se déroulent en lieu clos. La logique de ce texte s'avère donc de plus en plus sinistre, au fur et à mesure que les morts se multiplient : au fond, la folie guette ceux qui - dans leur parcours de communication - cessent de répondre "les autres" à la question qui est mon prochain ?

S'ouvrant sur la question de communication la plus puissante qui soit - celle du premier contact - ce livre, hélas, ne la traite que d'une façon expéditive lors de ses ultimes pages. On comprend que, pour que les explorateurs humains soient en mesure de la résoudre, il fallait qu'ils se présentent sur Nüying aussi dépenaillés que possible et donc à la merci de son environnement hostile mais aussi épuisés par leurs propres conflits... Ceci justifie, d'une certaine façon, les très lents développements qui occupent les deux tiers du temps fictionnel et où l'on assiste à la germination de l'opposition entre les deux factions au sein du vaisseau - mais il n'en reste pas moins que cela laisse l'impression au lecteur d'un livre qui perd son sujet de vue, ou plutôt, qui choisit de n'en traiter qu'une partie des implications. Et donc, après avoir promis une histoire de premier contact originale, voici que Les chants de Nüying hésite : faut-il raconter un drame de communication en lieu clos et donc une tragédie familiale ? Ou bien une enquête sur le piratage d'une base de données sanctuarisant la personnalité d'un décideur ? Ou encore autre chose ? S'il est évident que chacun de ces fils d'intrigue est lié aux autres, cette connexion est parfois un peu artificielle et apparaît souvent ad hoc. Les changements de point de vue, qui semblent se faire presque par contagion entre personnages au début du texte, finissent de déboussoler le lecteur qui se met à espérer qu'on en vienne enfin au fait... avant de comprendre que les chants de Nüying éponymes sont moins ceux des éventuelles créatures extraterrestres qui servent de prétexte à ce livre que les accords dissonants des communications entre êtres humains.

Exigeant vis-à-vis de son lecteur, qu'il conduit d'une fausse piste à l'autre, Les chants de Nüying finit donc par frustrer. Il était légitime d'en espérer mieux.

Ne manquez pas les avis de : le Chien critiqueElwyn, le Maki, ...

Commentaires

Christian a dit…
J’attends la sortie en Poches plutôt.
Cela dit c’est toujours bien d’avoir un ressenti différent sur les romans.
Quitter les monts d’automne était très bien.
Anudar a dit…
Effectivement, "Quitter les monts d'automne" était très bon. Ceci étant dit, on y trouvait déjà cette tendance à la lenteur qui déplaît ici...
Le Maki a dit…
Tu es le premier avis "négatif" sur ce roman. Peut-être que tu en attendais autre chose, à moins que la communication autour du thème principal du roman était erroné ?!

J'ai pour ma part bien aimé être déstabilisé et emmené là où je ne m'y attendais pas. Et j'adore l'écriture de l'autrice.

Vivement le suivant...
Anudar a dit…
A vrai dire, il n'est pas fréquent pour moi "d'attendre quelque chose" d'un texte mis à part d'en retirer un bon moment. Ici, le moment fut à mon goût plus long que bon, mais c'est mon goût à moi et donc pas celui des autres ;)

J'ai en tout cas retrouvé dans ce roman l'écriture en effet bien spécifique déjà trouvée dans "Quitter les monts d'automne". Le cas échéant, je n'hésiterai pas à me pencher sur de nouveaux titres signés Emilie Querbalec, rassure-toi !