Histoires de Planètes

J'ai déjà parlé ici de la Grande Anthologie de la Science-Fiction. Ceci est un deuxième tome (pas dans l'ordre chronologique de parution) qui m'apparaît fondamental à la compréhension du sense of wonder cher aux amateurs de SF...

Au menu de ce volet orienté planet-opera, pas moins de quinze nouvelles.
  • Tout commence par une préface de Demètre Ioakimidis, qui utilise une démarche historique afin de démontrer comment l'exploration d'autres planètes est le corollaire logique, en fiction, de celui du voyage dans l'espace.
  • Le Diable de la Colline du Salut, Jack Vance : La Gloire est une planète où essaie de vivre une colonie terrienne. Ils ont une Pendule qui leur permet de connaître le déroulement du temps et l'organisation de leur journée, car la nuit tombe n'importe quand sur La Gloire et le Soleil se lève n'importe quand aussi. Les Flits, habitants indigènes de La Gloire, prennent au contraire la Pendule pour un être maléfique... Des colons proprets ou des indigènes dépenaillés, qui a raison ? Une fable gentillette sur les difficultés d'adaptation à un monde étranger.
  • La Planète Grenville, Michael Shaara : deux explorateurs sur une planète océanique. On n'y trouve que trois îles... Une telle bizarrerie n'est-elle pas le fait d'une intelligence différente ? Une histoire fascinante et inquiétante.
  • La Nef engloutie, Ian Williamson : un astronef en difficulté finit par atterrir à grand-peine sur une planète inconnue... pour disparaître presque aussitôt ! L'expédition de secours reste perplexe : à quoi correspondent ces cinq lacs colorés situés à proximité du site d'atterrissage ? Et où se trouve le vaisseau perdu ? Il y a là-dedans une intéressante hypothèse de xénobiologie, à laquelle s'associe les complexités des rapports hiérarchiques d'une civilisation spatiale : un ensemble assez bien foutu, et plaisant.
  • Les Monstres, Robert Sheckley. Hum et Cordovir appartiennent à une espèce où les mâles, plus rares que les femelles, ont donc droit de vie et de mort sur leurs compagnes et dirigent toute forme d'activité sociale. Ils voient un jour arriver un vaisseau terrien. Les humains leur apparaissent monstrueux au premier abord, mais il y a pire : certains d'entre eux sont des femelles... Une nouvelle reposant sur le renversement de point de vue, et en retirant un effet d'ironie remarquable. La chute finale est excellente.
  • L'Objet, Chad Oliver. Le professeur Dixon Sanders, qui est spécialiste ès pierres taillées paléolithiques, est envoyé sur Mars. On y a en effet trouvé rien de moins qu'un silex taillé, montrant que la planète rouge a connu, au moins par le passé, une civilisation de l'industrie lithique... Les êtres intelligents de Mars existent-ils encore ? Une agréable histoire de premier contact, où les Martiens ne sont pas hostiles. Par contre, j'ai trouvé la chute un peu trop énigmatique et non conclusive.
  • Stabilité, Lester del Rey : trois explorateurs sur Vénus, confrontés à une végétation étrange dont les formes sont changeantes. Voilà que les plantes se mettent à prendre soudain la forme des êtres humains... Comment savoir qui est humain et qui est monstre ? Une nouvelle inquiétante mais qui se termine sur une note positive.
  • Le Robinson de l'Espace, Roger Dee : un misanthrope a fait le voyage vers Mars. Grâce à un ballon pressurisé, il dort sous le ciel nocturne. Un matin, il trouve devant la paroi de son ballon une offrande : des fruits et un peu d'eau. Cela signifie qu'une créature est venue le voir dormir. Une étrange relation s'établit peu à peu entre lui et son adorateur insaisissable... A nouveau, un concept fort intéressant (comment réagirait un misanthrope en cas de premier contact ?), avec un retournement final pas mal trouvé qui évite aussi d'être trop énigmatique.
  • La Garde, James H. Schmitz. Hulman est un Terrien, perdu sur Cresgyth depuis plus de vingt ans. Il a trouvé sur cette planète isolée un peuple humain tout à fait semblable à celui de la Terre... Hélas, il s'agit d'une espèce en voie d'extinction face au nombre croissant des serpents, une race extraterrestre indigène en expansion. Alors, Hulman monte la garde pour protéger les derniers hommes de Cresgyth. C'est du moins ce qu'il raconte aux gens venus de la Terre. Pourquoi Célia, sa femme venue de ce peuple humanoïde qu'il protège, ne se montre-t-elle pas ? A travers un prétexte planet-op', une façon d'explorer le continent des croyances humaines.
  • Le Village enchanté, A. E. Van Vogt : Bill Jenner est le seul rescapé d'un crash d'astronef sur Mars. Il n'a plus rien à manger, il n'a pas d'eau. Par hasard, il tombe sur un village martien déserté : une machinerie complexe, destinée à l'agrément de ses concepteurs disparus depuis une éternité. Va-t-il pouvoir contraindre le village à le sauver de la faim et de la soif ? Quel prix le village va-t-il devoir payer pour sauver un être obéissant à des lois biochimiques différentes ? Sans être trop orienté hard-science, il y a dans cette SF de vrais bons morceaux de S. J'ai beaucoup aimé.
  • Oiseau de Passage, Robert Heinlein : sur la Lune, la faible gravité permet aux gens d'enfiler des ailes pour voler comme des oiseaux dans une gigantesque cavité naturelle. Holly Jones voit d'un très mauvais oeil une terrienne se mettre à tourner autour du garçon qui la courtise... Surtout quand la terrienne se met à vouloir enfiler de vraies ailes et se mettre elle aussi à voler. Conforme à ce que je connais de Heinlein, une description d'un futur où tout reste compréhensible. L'intrigue est un peu ordinaire.
  • La Forêt enchantée, Fritz Leiber : Elven est un fuyard, le dernier des Hors-la-Loi. La Confédération le pourchasse et il parvient à se cacher sur un monde couvert d'une forêt de ronces. Dans cette forêt, il y a une clairière, où Elven découvre quatre individus solitaires, deux jeunes hommes et deux jeunes femmes, qui l'accueillent comme un dieu. Ils n'ont jamais vu d'autres êtres humains qu'eux-mêmes. Le Hors-la-Loi, pour ses projets, a besoin d'un groupe bien plus important de mères porteuses... Mais y a-t-il d'autres êtres humains sur cette planète ? Un planet-op' habile et inquiétant dont le dénouement ne s'explique pas avant la fin.
  • La Déesse de Granit, Robert F. Young : Marten est l'un des explorateurs de la Vierge, une immense sculpture faite à flanc d'une planète située dans la constellation éponyme, un corps de femme représenté avec les éléments du relief et dont les yeux sont deux gigantesques lacs. Pour quelle raison a-t-elle été réalisée par une race à présent disparue ? Et pourquoi Marten veut-il atteindre le visage ? Une nouvelle très nostalgique et dont le propos m'a un peu échappé.
  • Attitudes, Philip José Farmer : Tandem est un joueur professionnel doué d'un talent psychique lui permettant, à volonté, de gagner n'importe quel mise à n'importe quel jeu. Un jour, il débarque sur Kubei, une planète dont les habitants, ainsi qu'on l'en avertit, ont des moeurs dangereuses. Néanmoins, il se décide à participer à ce qui ressemble à un jeu de roulette après en avoir étudié les règles... Une fois de plus, un récit à l'ambiance inquiétante montrant que les apparences, parfois, sont trompeuses. Une dimension plus profonde apparaît dans cette nouvelle, qui propose rien de moins qu'une réflexion sur la nature psychologique de la croyance religieuse.
  • Se battre et mourir, Idris Seabright : sur le monde du peuple-oiseau, les Terriens, toujours plus nombreux, exigent d'assister à des batailles rangées faisant toujours plus de morts. Kerr découvre l'horreur du tepidarium, où les morts sont entassés en attendant d'être récupérés par les leurs, et la tristesse de la condition avilie d'un peuple noble et beau. Un récit terrifiant de pessimisme.
  • La Planète morte, Edmond Hamilton : trois explorateurs sur un monde gelé autour d'une étoile mourante. Leur vaisseau est dans un piteux état. Sous la glace, une ville où ils espèrent pouvoir trouver de quoi réparer... Ce monde est-il aussi mort qu'il y semble ? Et pourquoi ses habitants auraient-ils disparu ? Nouvelle fascinante et très bien écrite, on a l'impression de traverser la ville fantôme avec les explorateurs. La chute est aussi bien trouvée que bien amenée.

Commentaires

Guillmot a dit…
"Oiseau de Passage" (1957) c'est une nouvelle inculse dans l'Histoire du Futur de R.A. Heinlein.
Anudar a dit…
En effet...

"Inculse", tu es sûr ?
Guillmot a dit…
Oui, le Maître savait être chaud comme la braise parfois :D
Anudar a dit…
Il n'y a qu'un seul Maître et c'est Frank Herbert. Tout avis contraire est hérésie et toute hérésie doit être cautérisée.

Cela étant dit, oui, le Maître a pu écrire des pages un peu chaudes en son temps. Surtout dans "Les Hérétiques de Dune" :P ...