Le Printemps d'Helliconia

Je possède ce livre dans ma bibliothèque dans une édition américaine. Cela fait sans doute huit ans qu'il s'y trouve sans que je n'aie jamais franchi le pas de l'ouvrir : je redoutais en effet que l'ambiance réputée planet-op' orienté fantasy de ce livre, conjuguée à l'effort plus grand réclamé par la lecture en anglais, ne m'amène à le laisser tomber alors qu'il s'agit d'un cycle très important. Mais d'un autre côté, je répugnais à l'acheter de nouveau dans une édition française. Impasse. Ce n'est qu'il y a deux mois (déjà) que j'ai vu que j'allais pouvoir surmonter ce paradoxe. J'ai en effet repris contact avec, et rencontré, mon ancien professeur de SVT de Cinquième et de Troisième lors du week-end de la Pentecôte. J'ai découvert alors que cet homme admirable dispose d'une qualité que j'ignorais à l'époque, à savoir, qu'il était lui-même un grand lecteur de SF. Ah ! Si je l'avais su alors, je pense que je n'aurais jamais perdu le contact avec lui pendant quelque quinze ans... Toujours est-il qu'il m'a proposé de me prêter certains de ses livres. Après avoir examiné sa belle bibliothèque, j'ai décidé en tout premier lieu de m'orienter vers Le Printemps d'Helliconia et ensuite vers deux autres livres parus chez Présence du Futur (les couvertures colorées fin années 1970-début années 1980). Je les ai choisis non sans avoir une idée derrière la tête : j'avais le challenge estival en ligne de mire.

Tout ceci pour vous dire que je dois cette lecture à mon ancien professeur de SVT : je profite par conséquent de cette chronique pour le saluer avec tout le respect que je lui dois, et toute la sympathie que j'éprouve pour lui.

Résumé :
Helliconia est un monde lointain, plongé dans un Hiver cruel, où l'être humain doit se battre pour survivre, en particulier contre les phagors, des extraterrestres adaptés à la vie sur cette planète gelée. Yulli est un nomade qui s'est réfugié pour un temps avec des sédentaires dans une communauté cavernicole. Ecoeuré par le système théocratique de Pannoval, il prend la fuite et après une longue période d'errance dans des cavernes inconnues, il retrouvera la lumière du jour. Devenu civilisateur d'une petite communauté, ses descendants seront les conquérants d'Embruddock, une très ancienne ville bénéficiant d'un climat plus favorable grâce à ses sources chaudes. Les phagors savent que le monde va changer car l'Hiver touche à sa fin, et au contraire des êtres humains ils n'ont pas oublié leur passé : pour eux, le moment est venu de réclamer qu'on leur rende leur dû...
Une première chose à dire de cette lecture, c'est que Le Printemps d'Helliconia est en tout point digne de sa réputation. C'est un planet-op' gigantesque dont le théâtre est - comme il se doit - presque un personnage à part entière. Je réserve en général plus volontiers la mention "d'envergure" au space-op' (ou pour être plus précis à certains d'entre eux) : en raison de la restriction de l'action à un monde isolé dans un univers plus vaste, le planet-op' ne me semble pas relever de cette qualification. Le Cycle d'Helliconia serait à mes yeux l'exception qui confirme la règle. Pourtant, son intrigue ne recouvre qu'une unité de temps et surtout d'espace encore plus limitée.

Le planet-op', du fait de sa nature plus "intimiste" (ou plus "claustrophobique", osons-le) que celle du space-op, est sans doute plus propice à l'exploration d'une société là où son grand frère, quant à lui, s'oriente plus aux relations entre cultures et civilisations. Le meilleur exemple, en la matière, est encore est toujours le Dune de Frank Herbert ; de nos jours, un Ayerdhal s'est illustré aussi en socio-fiction à travers trois planet-op's indépendants mais tous inscrits dans son Cycle de l'Homéocratie : Mytale, Le Chant du Drille et Balade Choreïale. Brian Aldiss investit ce champ avec autant de rigueur que de talent, montrant comment les conditions très particulières d'Helliconia ont une influence contraignante sur la structure sociale. A travers l'histoire "locale" de la communauté d'Embruddock/Oldorando, il explore les mutations qui affectent l'ensemble des colons humains d'Helliconia. Le fait religieux, marqué par l'opposition entre Wuthra, divinité céleste, et Akha, dieu terrestre voire chthonien, imprègne aussi l'époque de changements dans laquelle vit une espèce humaine ayant oublié jusqu'au souvenir du Printemps et de l'Eté. L'un des enjeux de ce livre est encore la redécouverte du savoir perdu, et en particulier, de la compréhension du passage du temps.

Le Printemps d'Helliconia, malgré cette complexité, parvient encore à s'étendre à une dimension supplémentaire. Il se trouve que les péripéties de la vie humaine sur Helliconia sont observées ainsi que filmées puis transmises à la Terre éloignée de mille années-lumière. Ainsi, les foules du Système Solaire peuvent-elles assister aux efforts des personnages mille ans après qu'ils aient eu lieu. L'envergure du roman se perçoit ici, à travers ce regard presque voyeuriste exercé par des gens restés sur Terre - ou calfeutrés à bord d'une station d'observation dont le rôle reste encore mal défini.

Dans tous les cas, une très brillante ouverture de cycle. Je ne sais pas quand au juste je me lancerai dans la lecture des suites, mais il est probable que cela ait lieu dans les mois qui viennent.

Voir aussi l'avis de Guillaume Stellaire.

Commentaires

Leto a dit…
Super bouquin en effet!
Le 3ème volume doit m'attendre dans un coin de ma bibliothèque...
Anudar a dit…
Toi qui as lu le deuxième, peux-tu me dire s'il y a une continuité dans l'intrigue avec le premier ou bien si c'est très différent ?
Guillmot a dit…
Merci pour le lien !