Altered Carbon saison 2

Il y a deux ans, je parlais ici même de la saison 1 d'Altered Carbon, adaptation télévisuelle de la trilogie Carbone modifié signée par Richard Morgan : la saison 2 étant diffusée en ce moment, je me suis empressé d'en prendre connaissance...
Résumé : 
Takeshi Kovacs, le dernier Diplo, s'est changé en mercenaire depuis sa grâce. Une mission se présente à lui qu'il commence par refuser au premier abord : l'un des Fondateurs du monde de Harlan a besoin d'un garde du corps très particulier... mais arrivé sur place, à l'intérieur d'une enveloppe de grade militaire, Kovacs découvre son employeur massacré - sa pile corticale et donc son immortalité corrompues par une arme inconnue. Le monde de Harlan est sa planète d'origine et il sait que les dangers y sont multiples : une rébellion néo-quelliste s'oppose au pouvoir grandissant de la gouverneure Harlan, fille du Fondateur éponyme de la colonie, laquelle tire une richesse immense des mines où l'on met au jour le précieux alliage des Anciens. Dans le ciel, le système défensif des mêmes Anciens fait planer une menace permanente sur les activités de la colonie... Qui, quelque part dans cette poudrière, a intérêt à éliminer les Fondateurs l'un après l'autre ? Kovacs pourra-t-il accomplir son destin sans y laisser sa raison et peut-être même son âme ?
La première saison d'Altered Carbon assumait son esthétique trash et pluvieuse, en forme d'hommage à Blade Runner et au mouvement cyberpunk. La deuxième parvient donc à renouveler un peu son ADN graphique : si l'on est toujours dans le cyberpunk - avec en particulier cette opposition entre la ville haute ultra-moderne où vivent les classes supérieures et les bas-fonds où grouillent les plus pauvres - il arrive parfois que la perspective s'ouvre sur des paysages naturels et en apparence inviolés. La voûte céleste est marquée par la présence inquiétante, matérialisée par des éclairs hexagonaux, du maillage satellitaire hérité par une civilisation extraterrestre disparue : permanent rappel de ce que l'espèce humaine n'a pas tout à fait sa place sur le monde de Harlan, malgré le nom que les Fondateurs lui ont donné... et surtout malgré le crime commis par ces mêmes Fondateurs à leur arrivée, ou peut-être à cause de lui !

La société humaine, sur le monde de Harlan comme sur la Terre où se déroulait la première saison, est donc stratifiée : l'immortalité à laquelle chacun a droit n'est que théorique puisque les "enveloppes" (soit donc les corps humains physiques) sont rares par rapport à la demande... comme en témoigne une loi hypocrite interdisant d'injecter la même conscience dans deux "enveloppes" distinctes, alors que certains riches ont les moyens de garder au chaud des clones d'eux-mêmes - tout prêts à être décantés en enveloppes de secours. L'enjeu de cette nouvelle saison n'est pourtant pas de donner à voir l'effondrement de cette société malsaine et peut-être bien déprimante, même si les idées de Quellchrist Falconer y sont mises en avant de façon plus décisive que dans la précédente. A l'immortalité de l'esprit aussitôt détournée comme instrument de pouvoir et donc de stagnation, Quell oppose au contraire une capacité d'adaptation de l'esprit et au fond une transition vers une post-humanité réelle puisque l'humanité naturelle a fait la preuve qu'elle n'est pas adulte et qu'elle n'a sans doute pas l'intention de le devenir : Kovacs va donc participer à la dissémination d'idées neuves... et à l'amorce d'une rébellion nouvelle, à l'échelle interstellaire cette fois-ci.

Les romans de Morgan postulaient la visite, dans un passé reculé, du système solaire et peut-être de la Terre par des êtres extraterrestres éteints (?) - et suggéraient que la civilisation humaine avait élu domicile au beau milieu de leurs ruines. La première saison de l'adaptation n'y faisait guère plus de quelques allusions : ici, le passé extraterrestre du monde de Harlan est si vaste qu'il était difficile de ne pas l'assumer comme élément majeur de l'intrigue... et c'est ce que font les scénaristes, avec pas mal de succès. Entremêlant les complots humains avec une implacable vengeance extraterrestre, ils parviennent à justifier le retour de personnages que l'on croyait disparus et la mise en lumière - nécessaire mais pas toujours évidente - du passé de Kovacs. C'est ainsi que cette seconde saison en ressort à la fois complexe et dense, à tel point que la nécessaire simplification pèse sur les déplacements des personnages qui donnent du coup parfois l'impression de se téléporter ! L'ensemble reste par conséquent fiable et solide, confirmant l'intérêt d'Altered Carbon selon trois points de vue : celui du graphisme, celui du schéma et celui de la narration. Bien sûr, les amateurs de Blade Runner qui avaient adhéré à la première saison risquent de détester celle-ci - mais comme ils l'avaient fait pour de mauvaises raisons, est-on tenu de prendre leur avis en compte ? Mieux vaut apprécier ce spectacle pour ce qu'il est : un morceau de cyberpunk atypique, non déprimant et en tout cas original...

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