Je suis le rêve des autres - Christian Chavassieux

Découvert grâce aux bons offices de l'Ours Inculte, ce roman assez court de Christian Chavassieux s'inscrit comme on va le voir dans le même univers que ses Nefs de Pangée dont j'avais parlé il y a longtemps...
Résumé : 
Malou n'a pas encore huit ans lorsqu'un rêve intense le visite : une fois que les anciens du village de Paleval en ont pris connaissance, ils se rendent compte que l'enfant est peut-être un futur réliant. C'est assez pour l'envoyer auprès des sages du Berceau, à l'autre bout du monde : un long voyage qui nécessitera de lui fournir un accompagnateur, en l'occurrence le vieux Foladj au lourd passé. Que trouveront-ils au fil de leurs saisons d'errance ? Et à leur terme ?
Le mot Pangée, d'un point de vue géologique, désigne le plus souvent le supercontinent qui existait il y a 250 millions d'années puis qui s'est disloqué depuis... mais ce terme admet aussi un sens moins restrictif, puisqu'on peut qualifier de "Pangée" tout supercontinent unique ayant existé ou étant appelé à se former dans un futur plus ou moins prédictible. Selon Christian Chavassieux, la Pangée dans cette oeuvre - la même que celle des Nefs - se développe dans un futur plus proche que celui envisagé par Chris Scotese, à la faveur d'un cataclysme pour l'heure non spécifié. La Pangée de Chavassieux n'a cependant que peu à voir avec la Pangea Ultima de Scotese : on y trouve encore des êtres humains, et on y trouve aussi les traces d'une culture maintenant éteinte autrefois formée par une autre espèce intelligente. L'ensemble contribue à enraciner l'univers, et donc Je suis le rêve des autres, en SF.

Pour autant, le sujet de ce livre ne se trouve pas dans les mystères de ce monde - même si le voyage de Malou et de Foladj est l'occasion de les effleurer à maintes reprises. Il s'agit avant tout d'un récit initiatique, peut-être aux accents picaresques - Foladj n'étant pas tout à fait ce qu'il semble être et sa mission pouvant s'apparenter à une quête rédemptrice - et en tout cas d'éducation. Mais qui éduque qui dans cette histoire ? Si Foladj prend son rôle très au sérieux, et fait passer un peu de son expérience - les bons moments comme les moins bons - à Malou, celui-ci n'est pas non plus en reste et semble investi d'une sagesse naïve et spontanée comme celle que l'on prête parfois aux enfants dans les contes. Entre le personnage au lourd passé d'une part et le personnage au lourd futur d'autre part, l'amitié comme la confiance vont d'elles-mêmes : ainsi Je suis le rêve des autres est-il l'occasion d'affirmer les relations humaines complètes et saines comme autant de moteurs pour le corps social que constitue l'espèce toute entière.

Dans ce voyage, toutes les péripéties ne seront pas positives. La distance qu'implique le choix du décor - un supercontinent, c'est grand - ne sera que l'aspect somme toute le plus mineur des troubles qui vont affliger les deux amis : elle entraîne une temporalité particulière et un éloignement à ce qui est familier qui auront en eux-mêmes des conséquences. Plus gênantes seront les relations humaines intéressées, voire hostiles : hériter du profit d'un acte criminel revient à s'en rendre complice... mais alors, la vie de Falodj ayant connu certains développements critiquables, comment peut-il admettre sa position actuelle de sage en charge de l'espoir d'un village ? Plus redoutable enfin seront les périls intérieurs, que le vieillard peut percevoir dans l'esprit de l'enfant sans pour autant être capable de l'en protéger sinon avec maladresse. Le terme du voyage apportera la récompense à la saveur douce-amère : la séparation, le regret mais aussi l'espoir. A la réalité de la vie au village avait succédé celle de la quête, et une fois celle-ci terminée chacun des deux protagonistes fera diverger la sienne propre : belle métaphore de l'éducation, au fond...

A travers Je suis le rêve des autres, Christian Chavassieux signe un joli texte qui tape juste et qui donne à rêver aussi à d'autres suites qui pourraient être données aux Nefs de Pangée. La performance est belle, et il serait dommage de la bouder.

Commentaires

Christian a dit…
Très beau titre qui donne le ton.Et j’aime bien cette pérégrination entre deux personnages aux extrêmes de leur vie.
Adjugé.L’occasion de découvrir l’auteur.
Anudar a dit…
Tu me diras ce que tu en as pensé !
Christian a dit…
OK.j’ai commencé la lecture avant que mon neveu me le chipe car lui même est intéressé.
Anudar a dit…
Alors, bonne lecture à ton neveu !
Christian a dit…
Une très bonne lecture.J’ai beaucoup aimé ce périple de Foladj et Malou et les apprentissages acquis au fur et à mesure. En effet l’enfant apprend de son aîné et vice versa.
On aimerait avoir ce”collier d’aventures”dont parle l’auteur,qui écrit vraiment très bien,une écriture très poétique,sans relâchement.
Oui,une sorte de Fantasy picaresque.
Et la fin est inéluctable mais porte un message d’espoir.
Voilà qui me donne envie de lire Les Nefs de Pangé.

Mon neveu partage le même enthousiasme et il me dit qu’il aurait aimé faire un treking avec Foladj,pour qu’il lui raconte l’histoire de ses milles vies:)
Mission accomplie pour l’auteur.Bravo.


Anudar a dit…
"Les Nefs..." est très différent, ne serait-ce que par son format pour commencer. Ceci étant dit, je t'en souhaite bonne découverte !

J'espère que ton neveu donnera lui aussi sa chance aux "Nefs" ;)