Luc Orient : le Mur

La série Luc Orient a cette particularité qu'après ses grandes années (une fenêtre d'environ quinze à vingt ans, de la fin des années 1960 au début des années 1980) elle a été presque abandonnée par ses auteurs. Un scénariste parti sur de nouveaux projets, un public moins réceptif pour une série sans doute perçue comme vieillissante et la disparition du Journal de Tintin sont sans doute à l'origine de cette désaffection. Quelques aventures de Luc Orient sont néanmoins publiées, mais dans un univers de la BD où les anciens jeunes lecteurs sont devenus adultes et attendent désormais autre chose que ce qui leur était servi quand ils avaient dix ans, le personnage se fait plus rare. Les auteurs ont néanmoins tenté de lui faire faire un (dernier ?) grand retour sur Terango dans un album, Le Mur, où Luc Orient promettait de renouer avec l'aventure extraterrestre la plus épique...

Résumé :
Sur Terango, Luc Orient, Lora et le professeur Kala sont invités à une assemblée à huis clos : un conseil secret, car ce qui va être annoncé relève du secret d'état. Stupéfaits, Luc Orient et son équipe découvrent les circonstances de la prise de pouvoir par Sectan, le dictateur de Terango qu'ils ont contribué à vaincre une dizaine d'années plus tôt. Sectan a en effet usurpé le pouvoir du dernier empereur de Terango qu'il a fait assassiner en compagnie de son épouse, l'impératrice Crystal, une femme terrienne. De la famille impériale, seul a pu être sauvé Karran, le prince héritier métis, qu'un garde loyal a dissimulé sur la planète ennemie Mantara. Hélas pour le jeune garçon, son tuteur vient de mourir en le laissant seul sur une planète hostile... Qui peut savoir quels avantages les ennemis de Terango tenteront de tirer de lui ?
Il sera difficile de faire une analyse poussée de cette aventure inédite pour plusieurs raisons. Tout comme Tintin et l'Alph-Art, il s'agit d'une histoire non terminée : en effet, il n'en existe que six planches colorisées ainsi que onze de scénario. Ensuite, les bizarreries de chronologie déjà relevées dans certains épisodes précédents viennent parasiter la lecture. En dehors du fait que l'existence d'un hybride humain/teranguien semble peu crédible dans la mesure où cela fait plusieurs épisodes que les auteurs insistaient sur les différences physiologiques entre les deux espèces intelligentes, le scénario suggère un premier contact entre la Terre et Terango dans un passé antérieur à celui des premières aventures de Luc Orient. Difficile à suivre pour les amateurs de la série. Le reste de l'esquisse du scénario parvient à interroger, sans doute, sur le clonage, montrant que le scénariste restait en prise avec son époque...

Conscient des difficultés dans le scénario, le dessinateur (Eddy Paape) a indiqué ses réticences au scénariste (Greg), lequel a fini par décider de revoir son travail pour lui donner une plus grande cohérence. Chose qu'il n'a pu faire avant de s'éteindre avant le début du XXIème siècle... J'avoue que j'en veux un peu au dessinateur d'avoir "traîné des pieds" en pointant les bizarreries du scénario, et les incohérences induites alors dans le contexte global de la série. Greg avait-il pour intention, non pas d'unifier la série mais au contraire de faire de chaque cycle, voire de chaque album, une unité autonome dans ce qui n'aurait alors pas été un univers cohérent mais une ambiance ? On ne le saura pas. L'histoire de Luc Orient s'arrête ici, alors que Terango prend connaissance d'une menace nouvelle, à laquelle, de nouveau, les Terriens vont devoir faire face.

Les héros ne mourant jamais, ne doutons pas que le scientifique costaud et blond est resté là-haut et qu'il continue à monter la garde...

Commentaires

Anonyme a dit…
Sympa ton analyse, je n avais jamais entendu parler du "mur".
je suis et reste inconditionnel de Luc Orient, et ce depuis 1974.
Anudar a dit…
Bienvenue ici !

Si tu regardes l'intégrale publiée il y a quelques années, cette aventure figure dans le tout dernier tome paru.

A bientôt !
ta d loi du cine a dit…
Ah, moi non plus,je n'avais jamais entendu parler de ce "Mur" (en général, je n'achète pas les Intégrales, si j'ai déjà la majorité des albums d'une série).
Pour ce qui est de l'incohérence concernant la possibilité (ou non) d'un hybride ou métis, je relèverai juste que Roger Leloup (auteur "Spirou" et non "Tintin"!) a relevé le même défi scénaristique dans l'album "Le secret de Khâny" de la série Yoko Tsuno...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Anudar a dit…
Concernant l'intégrale de "Luc Orient", je n'ai pas eu tout à fait le choix : certains albums étaient introuvables tant neufs qu'en occasion, ou alors à un prix pas du tout raisonnable même pour un fan... ce que je suis puisque je possède (en plus de l'intégrale du Lombard) les trois albums de l'intégrale de Pictoris. Et je dois dire que sans eux il m'aurait fallu attendre pas loin de quinze ans pour savoir ce qu'il s'était passé au cours de l'album "La Forêt d'acier" !

Du point de vue de l'éditeur, les intégrales ont un intérêt : maintenir l'existence de parutions autour d'une série finie pour une raison ou pour une autre. J'avoue attendre qu'un jour ou l'autre on obtienne une édition intégrale en français de "L'Empire de Trigan" : je crois que c'est encore plus introuvable que "Luc Orient".

Je connais bien entendu cet album de "Yoko Tsuno" et je pense que Leloup a cherché tout de même une meilleure vraisemblance que Greg. Cela mériterait qu'on en parle au bon endroit puisque j'ai chroniqué cet album ;)